The Trail Yonne au pied levé

Un Trail court, semi urbain, au gout de semi-marathon

Affiche The Trail YonneNous sommes le mardi matin le plus triste du monde. Il fait gris, je reprends le taf après une semaine de vacances trop courte en Provence où j’ai couru un trail de folie dans les montagnes de la Drôme, fait une chouette balade dans un coin paumé du Vaucluse avec une super copine que je n’avais pas revue depuis des lustres, kayaké dans les gorges de l’Ardèche et joué à Tarzan au dessus de l’Eyrieux.  Je suis donc là, assis devant ma boite mail pro qui contient 453 messages non lus, plongé dans une sorte de grand désarroi face à l’ampleur de la tâche.

Le premier mail qui attire mon attention n’a rien à voir avec le boulot. Je commence donc par celui-là. Il est envoyé par une copine qui m’explique que son chéri est blessé et propose de me refiler son dossard pour un trail au fin fond de la Bourgogne la semaine suivante.

Vous savez comme je suis. J’aime pas gâcher.

Un petit coup d’œil sur Ternet et j’apprends que ce trail a une bonne réputation, que le départ est donné dans une très jolie ville et qu’il y a 2 distances acceptables pour moi : 18 et 35 km. Je ne suis pas très chaud pour le 35. Après avoir enchaîné l’écotrail et le trail de la Drôme, ça commence à faire beaucoup mais l’organisateur accepte l’échange de dossard et m’autorise à courir sur la distance de mon choix. Je me rabats donc prudemment sur le 18 km, d’autant qu’avec 500 mètres de D+ répartis sur 5 belles bosses, la balade s’annonce quand même un peu relevée.

5 bosses

Monter sec, descendre vite, tout ce que j’adore. Toute la semaine, je passe entre les gouttes et je réussis à caler quelques sorties sympas dont une sortie « sentiers » bien pêchue dans le parc de Romainville dont je ne me lasse pas de découvrir à quel point il est adapté à la préparation au trail.

Le jour J, nous partons tard de la maison, restons un peu bloqué sur l’A86 et mettons du temps à trouver un resto potable encore ouvert. Je mange mal, trop et trop vite et je sors du resto quasi hors d’état de nuire. Il me reste assez peu de temps pour retrouver ma bagnole, me changer et rejoindre le départ à plus de 2 km de là. J’arrive aux abords du stade en assez mauvaises dispositions. J’ai donné RDV à mon comité d’accueil pour 2h15 plus tard en espérant boucler le tout en 2h30 s’il n’y a pas trop d’embouteillages dans les montées. Nous sommes environs 5 ou 600 coureurs au départ mais il y  a beaucoup de dossards verts engagés sur le 35 et comme les deux courses ne se séparent qu’au bout de 10 km, il me sera impossible de savoir si les personnes que je double sont sur la même course que moi, ce que je déteste. Mais bon, je ferai avec.

Sens

16h : quand faut y aller…

Le départ est donné, je choisis de partir en milieu de peloton car je n’ai pas envie de me retrouver coincé dès la première côte. Je me cale sur mon allure semi-marathon que j’ai un peu répétée à l’entraînement et je commence à doubler pas mal tout en restant assez décontracté. La première côte est courte mais très raide, elle fait des dégâts. Je passe facile et double pas mal, il y a une bonne densité de marcheurs mais j’ai l’impression que tous les coureurs du 18km sont devant et que je suis coincé au milieu de ceux du 35. Je me sens bien alors je pousse un peu et relance immédiatement dès que ça repasse sur le plat. The Trail Yonne compte énormément de passages sur route. C’est très joli mais ça n’a rien d’exceptionnel. Les champs, les petites voies communales, après 7 baladavélos, je connais.

Alors quitte à faire presque 20 bornes sur du plat, je décide d’avaler toutes les portions de routes à vitesse semi et on verra bien si ça passe ou pas. Ça passe. Je récupère bien dans les bosses, les montées sont suffisamment raides pour que tout le monde marche, ce qui m’avantage puisque, généralement, je grimpe bien plus vite que les coureurs de mon niveau et je regagne donc des dizaines de places à chaque montée. Le premier ravito arrive au bon moment car depuis 1 kilomètre, j’ai un vilain point de côté. Je décide  ne pas traîner, un verre de coca, deux abricots séchés et je repars en courant dans de bonnes conditions. Le coca fait son effet, en plus du sucre, il m’aide un peu à digérer le repas qui me porte sur l’estomac depuis une plombe.

Nouvelle bosse bien raide puis après la descente nous nous séparons des 35 km qui comme je l’avais pensé formaient le gros de la troupe dans laquelle j’évoluais. Je suis désormais seul au monde, obligé de regarder les marquages pour ne pas me paumer (ce qui franchement serait un exploit vu l’excellence du balisage) et avec une petite baisse de motivation car la raréfaction des coureurs me laisse peu de perspectives de gain de places. Je n’en vois qu’un en fait et il est très loin. J’ai des jambes, je décide donc de le chasser quand même. Je le rattrape assez vite, le double mais au même moment, trois coureurs en rang serré passent comme des fusées. Mince, du coup j’ai reperdu deux places. Mais bon, j’ai des jambes aujourd’hui et mon épaule ne me fait pas mal, alors autant en profiter. La quatrième côte est en vue. Je reprends finalement les trois lascars qui triment dans la montée. Je les décourage en me remettant à courir ce qui les dissuade de me prendre en chasse mais j’y laisse pas mal d’énergie.

J’ai un autre groupe en vue, il faut que je les mange avant la fin de la montée, sinon c’est mort. Je les rejoins au sommet mais ils ne courent pas si vite que ça, ce qui me permet de les distancer. Je suis cuit. Il reste 4 kilomètres, je me cale à allure marathon le temps que le jus revienne et la dernière côte est là. La cinquième bosse est la pire, les gars devant moi sont au point mort. Je n’arrive pas à passer alors que je piétine derrière eux. Le premier craque, les autres hésitent. Je gueule : « allez on passe » et je pose la main sur le sac à dos du gars devant moi et lui fait une poussette comme si on était dans un peloton de roller aux 24 heures du Mans. Je suis en mode « vénère », le décor est joli et la vue depuis le sommet de la butte est vraiment superbe mais aujourd’hui, je ne suis pas d’humeur contemplative, j’ai plutôt envie de doubler et de gagner des places.

Champs

J’estime que si j’arrive à faire moins de deux heures, je suis assuré d’être dans la première moitié du tableau. Je relance avant même d’être arrivé en haut ce qui me permet de semer le petit groupe. J’ai le champ libre, je bourrine dans la descente mais un début de crampe au mollet vient modérer mes ardeurs. Un gars avec qui je joue au chat et à la souris depuis une heure en profite pour me mettre un vent et j’enrage de ne pas parvenir à le recoller alors que j’ai encore des litres et des litres d’essence dans le réservoir.

Nous sommes sur le bitume, il reste moins de deux kilomètres, j’arrive péniblement à rester à plus de 10 km/h alors que je devrais être au moins à 12 pour rattraper ce gazier qui me nargue 30 mètres devant. Il ralentit, j’accélère, j’ai mal aux cannes mais je veux absolument faire moins de deux heures et le coiffer sur la ligne serait la cerise sur le gâteau. La ligne est en vue, j’arrive dans le dos du gars mais il me voit venir et met un coup d’accélérateur que je suis incapable de contrer et il me met immédiatement 3 mètres dans la vue. Je passe la ligne derrière lui en 2 h 00 mn et 10 sec pour 18,5 km. Je le félicite et on se marre ensemble de notre combat amical.

RésultatsL’orga me crédite de 39 secondes de plus et me classe 120e sur 236 donc vraiment pas loin du milieu de course. Je suis surtout vraiment content de ma gestion de course. J’ai bien profité de mon aisance en montée, bien relancé sans trainer aux sommets et bien réussi à enquiller les 5 grosses descentes. Il me reste encore à travailler ma résistance sur le plat et surtout à perdre tous ces foutus kilos superflus qui me ralentissent mais ça, on verra demain parce que là tout de suite, j’ai un rocher praliné qui m’attend 😉

© Photo de Sens : Jean-Pierre Dalbéra