Les sentiers d’Allonne

Trail court usant près des dunes d’Hatainville

Ready !Depuis que je me suis remis à courir sérieusement, j’ai repris l’habitude, lorsque je sais que je dois me déplacer quelque part hors de mon île-de-France natale, de toujours regarder si des fois, par hasard, y’aurait-y pas une ch’tite course rigolote qui se court dans les parages. J’avais perdu cette formidable habitude qui m’avait permis de me retrouver à gambader sur les falaises de Bonifacio ou dans les Alpes Vaudoises et c’est avec une certaine gourmandise que je parcours le site de Normandie course à pied à la recherche d’une éventuelle coursette nature en terre cotentine.

Le hasard faisant toujours bien les choses en matière de trail, il s’avère que se court, à quelques kilomètres de là, aux Moitiers-d’Allonne, un trail court au parcours alléchant qui doit nous mener dans les dunes d’Hatinville, un de mes endroits préférés pour courir, via des chasses forestières et de nombreux sentiers caillouteux. Miam. Le timing par contre n’est pas transcendant. Un samedi après-midi, plutôt qu’un traditionnel dimanche matin et surtout, 5 jours seulement après notre Baladavélo #8.

Cette Baladavélo, j’en reviens épuisé et à moitié malade. La semaine qui s’en suit sera une semaine pour rien, passée à errer de mon bureau à mon appart, me trainant entre les deux comme une âme en peine. Le vendredi, seulement, veille de la course, je reprends un peu de poil de la bête mais je passe mon après-midi à courir dans les transports en commun allant de gare en aéroport pour récupérer mes Schtroumpfettes que j’avais éparpillées aux quatre coins du vieux continents. Les 4 heures de bagnole pour descendre en Normandie finissent de me rétamer et je me présente donc ce samedi après-midi sur la ligne de départ dans un état de méforme assez exceptionnel. Mais bon 15 bornes, ça doit pouvoir passer facile, surtout dans un décor aussi sympa.

C’est parti

Nous sommes une grosse centaine sur la ligne de départ, mélangés entre ceux qui courent le 7 km et nous, qui sommes sur le 15. Des piquets de couleurs différentes nous indiquent quel parcours suivre et des dizaines de bénévoles (sans doute plus que de coureurs) sont présents à toutes les intersections. Il fait gris et venteux mais la température est parfaite. L’organisation semble impeccable, les bénévoles adorables, belle course en perspective. Ayant bouclé récemment les 16 km de Paris-Versailles en moins d’1h30, je me fixe le même objectif sur cette course et part donc sur une base de 11,5 km/h. Placé dans le milieu du peloton je m’attends donc à m’y installer et à y rester calé. C’était oublier un peu vite que le coureur Nord-Cotentinais n’était pas vraiment le même que le coureur parisien qui s’entasse à 25000 sur l’avenue d’Iéna. Ça part à 125 km/h, le peloton entier me passe dessus et au lieu de les laisser filer en vieux pro sûr de lui qui sait qu’il les rattrapera à la première difficulté technique, je m’élance à leur poursuite et me crame en 10 minutes. Les premiers kilomètres sont en descente et je me retrouve à courir à des vitesses de 13 voire 14 km/h, ce qui est une pure folie à mon niveau.

Course

J’ai néanmoins réussi, à ce prix, à me maintenir dans le milieu de course et à contrôler le gros du peloton. Depuis maintenant quelques minutes, plus personne ne me double mais je suis à plus de 12km/h sur le plat, ce qui est suicidaire. Arrive alors une immense et interminable descente bitumée qui nous mène aux dunes. Je l’avale et reprends de l’avance mais je commence à sentir des douleurs inconnues et inédites au niveau de mes deux chevilles et des mes deux aines. L’arrivée dans les dunes me permet de temporiser et de récupérer. C’est magnifique mais le plaisir est de courte durée. Nous ne restons pas dans les dunes, juste le temps de descendre via un escalier de rondins bien cassant et nous nous retrouvons directement sur la plage. Nous y restons un long moment. C’est très agréable et le sable mouillé mais pas trop est bien dur. Aucune difficulté, d’autant que la dune nous protège bien du vent d’Est. Je double quelques coureurs et profite du paysage, sublime, puis ré-attaque la montée.

Dunes d'Hatainville

Après quelques mètres dans le sable, je suis surpris et un  peu déçu. Je m’étais persuadé que la remontée se ferait sur les chemins de dunes comme à Biville et que la nécessité de développer de la puissance en montée me permettrait de remonter quelques coureurs mais nous nous retrouvons sur un chemin de gravier en léger faux plat sur lequel je n’ai aucune chance de pouvoir faire quoi que ce soit. Cette fois en plus nous avons le vent de face et ma vitesse chute à moins de 10 km/h. Des groupes entiers de coureurs me remontent inexorablement. Je me cale derrière 2 rugbymen qui me protègent du vent et prends leur aspi pendant quelques centaines de mètres mais ils s’arrêtent longuement au ravito et je me retrouve à nouveau seul face au vent, très diminué et un peu démoralisé.

J’ai deux énormes ampoules qui sont apparues et qui me font souffrir le martyr. Mes chevilles ne tiennent pas et me font de plus en plus mal. Les douleurs aux aines se sont amplifiées. Je cherche mon deuxième souffle mais ne le trouve pas. Je ne veux pas temporiser, ma crainte désormais est d’arriver dernier et je remonte donc un peu l’allure mais je suis stoppé net dans mon élan par un perfide point de côté dont je mets un temps fou à me débarrasser. Je suis alors rejoint par un coureur que j’avais doublé dans la longue descente et qui ne m’avait pas encore rejoint. Il est en mode balade et n’aime pas courir tout seul. Il se cale à côté de moi sans rien dire et je comprends qu’il est décidé à m’attendre. on sympathise et nous mettons à discuter.

C’est vraiment rageant, je ne suis pas essoufflé, je suis en mode endurance et je peux parler presque normalement mais j’ai tellement mal partout qu’il m’est impossible ou presque d’accélérer. D’autres coureurs nous remontent encore, ma vitesse a chuté à 9 km/h c’est vraiment contrariant, surtout sur une si courte distance. Mon compagnon de route connaît le parcours car il était déjà là l’an dernier et il m’indique donc ce qui va se passer ensuite et continue à m’attendre. Du coup je culpabilise de le ralentir et passe en mode robot. Il reste une dernière difficulté, un chemin forestier boueux et étroit qui monte assez raide. Nous doublons un fringant trentenaire visiblement complétement cramé, ce qui me permettra de ne pas finir dernier masculin de la course. Maigre consolation. Arrivés dans le bourg, nous allongeons notre foulée, ce qui nous permet de faire une arrivée propre sous les acclamations de… personne, mes chéries ayant loupé l’arrivée. Quand ça veut pas…

Remerciements, accolades, poignée de mains puis retour en clopinant jusqu’à ma voiture, un peu désabusé et fourbu. Plus tard dans la soirée, j’apprends que je termine dernier de ma catégorie 34e/34 en Master 1, 125e sur 142 au général avec essentiellement des Masters 2 ou 3 féminines derrière moi, autant dire mon plus mauvais classement depuis le semi-marathon de Valognes couru il y a quelques années à quelques kilomètres de là. Alors comme on dit dans ces cas là : « on va se concentrer sur la suivante ».

© Crédit photo : Sophie – Xfigpower – Les ateliers des Dunes