Du Pays provinois aux boucles de la Marne
Cet été, pour la première fois depuis quatre ans, je n’ai pas rejoint mon Cotentin natal à vélo. Et comme je n’étais pas en jambe pour faire Paris – l’Estartit avec mon matos de plongée dans les sacoches et les gamines sur le porte-bagage, j’ai passé mon été à polluer la planète et à faire de la course à pied.
Tom, fidèle compagnon de ces toujours délicieusement bucoliques escapades normandes étant inconsolable, nous décidons de remettre ça à l’automne. Après avoir poliment décliné toutes mes propositions pour cause de difficultés à poser des jours des congés, il me convainc d’organiser une petite virée pendant les vacances scolaires. Ça tombe bien, Benji qui en raffole également ne peut se libérer que pendant les vacances. Ça sera donc pour la Toussaint et tant pis si on a un peu froid, faire plaisir à ses amis, ça n’a pas de prix.
Les Baladavélos de Mimi, c’est bien connu, quand on y a gouté une fois, on y revient toujours (ou presque). Je propose donc à tous mes compagnons de route des éditions précédentes de nous accompagner.
L’engouement est immédiat et au final, c’est avec… Flo et Jim que je prends le départ ce samedi matin. Quid de Tom, Benji, Peter ? Les randocyclistes agréés et labélisés « Baladavélo » n’étant à ma merci que quelques jours par an, le reste du temps ils vivent leur vie et tout ne peut pas se passer, dans le monde extérieur, aussi bien que pendant nos petites randos. Alors forcément, il y a parfois des contretemps. Des fois c’est rigolo : « j’peux pas, je dois construire ma cabane au fond du jardin » et des fois, moins. Alors on est un peu tristes de laisser les copains à Paris et au moment de mettre le premier coup de pédale, par 4°C au petit matin, on pense fort à ceux qui auraient aimé venir mais qui ne peuvent pas et une larme coule le long de ma joue. Enfin c’est comme pour le Cotentin natal, hein, c’est pas la vraie vérité mais j’aime bien mettre un peu d’émotion dans mes récits parce que sinon, au bout d’un moment, les histoires de randos vélo, c’est comme tout, même quand on aime, on se lasse.
Étape 1 : Paris-Provins 113 km
Initialement, nous devions faire Paris-Gien en quatre jours via Auxerre et Nevers. Après moult changements de programme, nous partons finalement sur du déjà vu, avec une boucle de trois jours seulement, départ et arrivée aux Lilas via Provins et Ressons-le-Long où nous nous étions déjà arrêtés, il y a quelques années lors de la Baladavélo #2.
Nous voilà donc partis en direction de Provins. Il fait un temps superbe, froid mais sec et surtout un ciel sans nuage d’un bleu parfait avec juste ce qu’il faut de soleil pour tout rendre joli. Nous pédalons sur un rythme très soutenu et avalons le premier tronçon de 30 kilomètres en moins d’une heure et demie. Après une courte pause, le temps de rajouter une paire de chaussettes, nous voilà repartis en direction des plaines venteuses de la Marne. Dans ce sens-là, ça va toujours, le vent nous pousse continuellement et à l’exception notable d’une très vilaine côte à la sortie de Coutevroult, le chemin s’avère vraiment facile. Nous avons déjà avalé près de 60 kilomètres lorsque nous décidons de nous arrêter pour pique-niquer. Nous passons un moment vraiment agréable sous l’auvent de la mairie de Tigeaux, baignée par le soleil et accompagnés du seul chant des rares oiseaux qui n’ont pas encore migré.
À peine remontés sur nos biclous, nous filons à nouveau, vent en poupe, à la recherche d’un endroit pour boire un petit café, sans vraiment y parvenir ; le fin fond la Seine et Marne n’est définitivement pas l’endroit le plus hype du globe. Les kilomètres défilent puis, après une courte pause, nous attaquons la meilleure partie du parcours : une portion de route magnifique d’une vingtaine de kilomètres, plate ou légèrement descendante ponctuée de petites bosses courtes. Littéralement propulsés par le vent de Nord-est, nous tournons à 30/35 km/h de moyenne pendant près d’une heure. Du vélo facile, sous un soleil radieux et des températures devenues plus clémentes. Un pur régal.
Nous arrivons à Provins en milieu d’après-midi. Les chambres d’hôte sur cette ville étant relativement chères, nous testons le Formule 1 qui s’avère tout à fait convenable. Propre, calme, étonnamment confortable et évidemment pas cher du tout, il est situé à moins de 10 minutes à pied du centre de la vielle ville. Nous profitons de toute la fin de l’après-midi pour flâner dans la cité fortifiée, faire le tour des remparts et faire quelques photos avant de redescendre dans la ville basse à la recherche d’une pizzeria. Cette dernière étape sera finalement la plus difficile de la journée, le Provinois moyen préférant apparemment manger sa pizza devant la télé. La plupart des pizzerias sur lesquelles nous tombons sont en fait des gargotes à mobylettes sans tables ni chaises. Après avoir arpenté dans les deux sens la quasi-totalité des rues du centre, nous atterrissons dans un endroit qui, certes, ne paye pas de mine mais qui s’avérera être une adresse à retenir. Nous y engouffrons des pizzas pas lights à base de fromage à raclette et des tartes Tatin avec chantilly ET glace sans scrupules ni remords. Puis, en bons fêtards que nous sommes, nous ne retournons à notre Formule 1 que tard dans la nuit et nous effondrons lamentablement vers 21h30. Sauf moi, le plus fêtards des trois qui veillerai jusqu’à 22h10 en sirotant un coca zéro 12 semaines d’âge. La vraie vie quoi.
Étape 2 : Provins – Ressons-le-Long 125 km
Après une longue nuit de sommeil, nous testons le petit déjeuner cheap du Formule 1 et là encore, bonne surprise. Pour moins de quatre euros, nous disposons à volonté de produits ultra frais et de bonne qualité. Nous partons de bonne heure après avoir décidé la veille de ne pas tenir compte du changement d’heure pour ne pas avoir à rouler de nuit. Il fait un froid de canard et dehors tout est gelé. Six jours plus tôt, je me promenais dans Paris en tee-shirt, transpirant sous mon casque avec plus de 25° et là, nous frôlons les températures négatives. Les prémices de la fin du monde sans doute, alors autant profiter des deux mois qu’il nous reste pour s’amuser. Ou pas. Direction l’Aisne. Nous repartons dans le sens inverse de la veille et du coup, c’est beaucoup moins rigolo. Le vent du Nord souffle méchamment et les 30 premiers kilomètres sont en montée quasi constante. Nous roulons donc en peloton serré avec un œil sur le compteur et la montre car aujourd’hui le timing aussi est serré. Nous devons impérativement arriver à Jouarre avant 13h pour pouvoir faire les courses pour ce midi et ce soir, car après, dimanche oblige, cette partie là de l’Île de France va se transformer en no man’s land.
Nous sommes littéralement frigorifiés, ne sentant plus nos pieds et nous sommes contraints de faire des pauses pour nous réchauffer les orteils. Nous tombons par hasard sur un supermarché en sortant d’un village. Nous en profitons pour nous débarrasser de la partie logistique de la journée puis nous reprenons la route, décidés à rouler un peu plus longtemps, histoire d’avoir fait au moins la moitié du chemin avant la pause case-dalle.
Nous peinons cependant à trouver un endroit calme et abrité du vent pour nous poser et les kilomètres défilent péniblement. La fin de matinée est très difficile pour Jim et moi qui peinons de plus en plus dans les innombrables côtes qui jalonnent le parcours. Flo et sa constitution hors norme ouvre la route pour nous protéger du vent sans que nous soyons en état de le relayer. Nous avons plus de 70 kilomètres au compteur lorsque nous trouvons enfin un gros caillou au milieu d’une prairie et que nous nous posons enfin, affamés et épuisés. Nous mangeons trop (et trop vite) et repartons en plein début de digestion pour une après-midi pas très marrante, il faut bien l’admettre.
Jim commence à avoir des problèmes de genoux assez sérieux qui le ralentissent. De mon côté, je suis exténué. Je paye sans doute à ce moment là les nombreuses nuits trop courtes et surtout les kilos superflus accumulés ces derniers mois. Nous avalons donc tant bien que mal, mais sans plaisir, les 30 kilomètres suivants puis, petit à petit, les choses se remettent dans l’ordre. La température est remontée et quand le soleil se couche sur les plaines, il nous offre un spectacle de toute beauté, enflammant littéralement le ciel. En levant le pied pour observer ce spectacle reposant, je retrouve en fin de journée le plaisir de rouler.
Arrivés à quelques kilomètres de Ressons-le-Long, nous bifurquons vers un autre village, où, selon Google map se trouve la maison d’hôte. Dans mon souvenir elle était bien à Ressons-le-Long mais j’ai appris à me méfier de ma mémoire. Mauvaise pioche. Nous nous retrouvons à nulle-part-sur-bled, pris par la nuit que nous redoutions, un peu frigorifiée par la chute brutale de la température et un peu inquiet de n’avoir personne au bout du fil quand nous appelons notre gîte. Finalement, nous rebroussons chemin et nous dirigeons vers Ressons où mes souvenirs intacts nous mènent en un clin d’œil à la ferme de la montagne. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour s’offrir un petit bonus de 15 kilomètres ?
Après avoir joué à « trouve-toi même ta chambre en fouillant le registre de la dame », nous découvrons intacte la chambre magnifique que nous avions quittée lors de notre dernier passage. La suite est à peu près du même tonneau que la veille, douche chaude très longue, repas trop copieux, soirée ultra festive en chaussons devant un feu de cheminée et extinction des feux à 21h40, heure d’hiver.
Étape 3 : Ressons-le-Long – Les Lilas 103 km
Le vent, le vrai, s’est levé. Après un solide petit déjeuner, nous voila à nouveau en route pour ce dernier jour. Le temps est mauvais, il fait gris et froid et surtout le vent souffle, beaucoup et très fort. Flo, en vérifiant sa carte, se rend compte que le trajet que j’ai planifié est complètement biscornu et risque de nous faire faire des détours. Il gérera donc la carto. Jim a un genou en compote et ne roule plus qu’au moral pendant que Flo et moi alternons les relais pour essayer de se protéger du vent. Je ne sais pas encore à ce moment là que j’ai un pneu qui se dégonfle inexorablement et je mets toute ma belle énergie retrouvée au service du peloton, essayant de prendre un maximum de relais pour ne pas que Flo se tape tout le boulot.
La veille, nous avions décidé de partir tôt et de rouler fort en faisant un minimum de pauses pour arriver avant 14h à Charny où nous connaissons un petit routier formidable qui fait des frittes maison à tomber par terre. Nous enquillons donc les kilomètres, très physiques, nous battant contre le vent qui nous plaque littéralement et nous oblige à pédaler comme des tarés, y compris dans les descentes, pour atteindre des moyennes déprimantes. Finalement, nous arrivons à Charny dans les temps et décidons d’être enfin raisonnables sur la nourriture. Ça sera donc buffet de hors d’œuvres et charcuterie, confit avec frittes maisons et crème brûlée. Ben quoi, « c’est pas lourd le confit ! ». C’est roboratif. Et c’est donc bien roborés mais quand même un peu lourds que nous reprenons le guidon en direction de la civilisation.
L’après-midi est agréable et les paysages charmants du canal de l’Ourcq n’y sont pas étrangers. La suite est classique : chemin de halage, bords de canal, longue pause à la Poudrerie, piste de l’Ourcq puis remontée vers les Lilas sur la toute nouvelle piste cyclable qui permet de relier Pantin aux Lilas dans des conditions de roulage plus qu’acceptables.
À l’issue de cette énième virée, je n’ai qu’une chose à dire et ça sera mon dernier mot : vivement le printemps qu’on puisse s’y remettre avec notamment un petit Paris-Dieppe-Paris qui dort dans les cartons depuis un moment et qui pourrait faire une #8 intéressante.
On en reparle 😉
PS. Pas encore rassasiés ? Les récits des précédentes Baladavélos sont ici : #1, #3, #4, #5, #6