Le piaf

Tout petit déjà…

Piaf himself

Un peu de terminologie pour commencer. Miklc, pseudo imprononçable, est un vestige de mes années de lycée. Mi-Ka-eL et C parce que c’est l’initial de mon nom de famille. Je signais ainsi les caricatures que je publiais anonymement dans le journal underground et vaguement subversif que nous produisions avec une machine à écrire et deux tubes de colle. Autant dire la préhistoire pour la génération Instagram.

Après le lycée, j’ai renoncé aux brillantes études que d’autres envisageaient pour moi à cause d’un petit détail anecdotique (pas de bac, pas de chocolat), pour entamer une carrière très prometteuse de livreur de pizza à mobylette  dans les bars glauques de Pigalle. J’ai longtemps pensé qu’à cette époque j’avais touché le fond mais quand je vois ce que gagne aujourd’hui un livreur Deliveroo, je me dis qu’étant alors en CDI et doublant mon salaire avec les pourboires, j’ai sans doute connu l’âge d’or de la livraison de pizzas. Mais bon, c’était une autre époque, et même un autre siècle et n’ayant alors aucun esprit visionnaire et aucun avenir dans la profession, je me suis rabattu sur ce que je savais faire le mieux, à savoir : m’occuper des autres bien mieux que de moi-même, en partageant mon temps entre les gamins (colos, classes transplantées et centres de loisirs) et les cassés de la vie (blessés, clodos, migrants) au sein de la Croix-Rouge française.

Ma carrière dans l’humanitaire s’est rapidement heurtée à mon incapacité à en accepter les contradictions. Je m’en suis mieux sorti dans l’éducation populaire, occupant tour à tour les postes de chef de centre, directeur, coordonnateur et désormais responsable de l’action éducative d’un arrondissement parisien.

Mes bulles

Avouons-le, à 12 ans, je ne me rêvais pourtant pas en fonctionnaire territorial zélé. Je m’imaginais plus en rock-star mais au lieu d’apprendre à chanter, j’ai choisi de jouer de la basse. Mal. Mon prof, un type adorable, ne s’est jamais découragé malgré le peu d’espoir que mon arythmie musicale et ma mémoire capricieuse lui inspiraient. En me remémorant mes longues années de conservatoire, il me semble que l’expression « handicapé de la clé de Fa » aurait probablement pu être inventée pour moi. Le passage tardif à six cordes fines n’a pas été plus probant.
De cette période, il ne subsiste qu’un petit peu de corne sous la peau des doigts, une coupe de cheveux immature et deux fans. Inconditionnelles mais subjectives.

Des bulles d’azote

J’ai aussi passé beaucoup de mon temps libre à observer mes petites bulles, celles qui remontent doucement vers la surface. Les voir monter, descendre, comprendre comment elles se déplacent. 27 ans déjà que j’ai fait ma première descente dans le bleu, sans crainte, sans hésitation, de zéro à vingt mètres en deux minutes mémorables. C’était le 4 juillet 1994 à quelques milles de la presqu’île de Saint-Jean-Cap-Ferrat et ça m’a marqué à jamais. J’aimerais être peintre pour savoir reproduire précisément ce bleu. Vous le trouveriez magnifique, plus beau que le plus beau des trois bleus de Miró et même, peut-être, plus envoûtant que celui de Klein. Un bleu de ouf quoi !

Je n’y vais plus souvent mais l’air de Nice me manque parfois. Il a (et gardera) cette odeur et cette saveur si particulières, mélange de chaleur, de Provence et de vacances.

Ma vie de plongeur n’a pas été plus simple ni plus tranquille que ma vie en général mais je garde une passion intacte pour cette activité magnifique. Ne comptez pas sur moi, par contre, pour avouer publiquement que ça m’est venu en voyant le Grand bleu. D’autant que même si j’ai parfois affirmé l’avoir vu neuf fois au cinéma, je peux bien confesser aujourd’hui que c’était extrêmement exagéré !

Je fais des bulles avec mes pieds…

Je me souviendrai aussi toute ma vie d’une soirée mémorable à Bercy. Voir des arts martiaux, à l’époque, n’était pas une mince affaire. Les « films de karaté » comme on les appelait alors, n’étaient pas de très bonne qualité et les cassettes vidéo coûtaient très cher. Le festival des arts martiaux, organisé à Bercy chaque année, était donc un immanquable.
On s’y emmerdait copieusement les trois quarts du temps mais lors de l’édition de 1990, il s’y est passé un truc incroyable. Un Canadien sorti de nulle part nous a sorti de sa besace un kata musical qui m’a laissé bouche bée.

J’ai passé les cinq années suivantes à taper comme un sourd dans un sac de frappe pour essayer de parvenir à faire d’aussi beaux coups de pieds en rêvant qu’un jour, je partirai au Japon m’entraîner avec un grand maître d’Okinawa. Lorsque 15 ans plus tard j’ai pénétré dans le To Duong, le club mythique du Vovinam Viet Vo Dao, pour participer à mon premier stage sous l’autorité de maître Sen, l’un des plus grands maîtres du Vietnam, ça m’a fait un petit quelque chose. J’y suis retourné à quatre reprises et chaque fois, mon plaisir a été intact. L’Asie est devenu mon deuxième chez moi et j’enrage de ne pouvoir m’y rendre plus souvent.

Mon dernier voyage en Asie remonte à un an avant la crise du Covid. à Tokyo, je me suis rendu au Sengaku-ji, le temple des 47 Rônins. J’avais lu un article sur ce temple dans Karaté Bushido quand j’étais ado et pendant longtemps, m’y rendre était un rêve. Ma mémoire capricieuse avait gravé cet endroit sur une île lointaine de l’archipel nipponne. Deux jours avant d’y aller, je ne savais même pas que mon hôtel était à 3 stations de l’endroit et on ne saura jamais ce qui m’a poussé la veille à regarder sur Internet, à tout hasard. La vie est faite de plaisirs simples. Et puis il y a eu le covid et j’ai pris la décision, voyant que ça ne me manquait pas du tout, d’arrêter les arts martiaux après 30 ans de pratique. La vie est aussi faite de décisions étranges.

La vita e bella !

J’ai appris et compris, en secourant des gens qui ne tenaient plus debout, physiquement ou moralement, à mesurer chaque jour la chance que j’avais d’avoir deux jambes solides, d’être aimé et de tirer du regard de mes proches assez de courage pour affronter les difficultés, quelles qu’elles soient.

Deux bonnes jambes donc, et un moral d’acier. J’essaye d’en faire bon usage. Alors je marche, je cours, je grimpe, je glisse, je pédale, je rollerskatise en essayant, jour après jour d’entraîner dans mes balades, mes défis, mes voyages, mes courses, ceux et celles qui veulent bien rester à mes côtés.

Je ne me souviens plus de quel film il s’agit ni même du contexte, mais je sais que c’est l’un de ceux qui ont bercé mon enfance. Le personnage a fait mantra d’un conseil que lui répétait son père : « fais du mieux que tu peux fiston ». J’fais ça. J’fais du mieux que je peux.
Et tant qu’à faire, j’essaye de faire un peu mieux à chaque fois. Des fois je trouve ça futile, d’autres fois je trouve ça formidable. C’est ma vie à moâ que j’ai et je n’en changerais pour rien au monde.

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Le p’tit piaf dans tous ses états