Initialement, ce petit triathlon n’aurait dû être qu’une anecdote mais c’est devenu, sans qu’on y prenne garde, une véritable affaire d’état. Cela fait maintenant 8 mois que je n’ai dans le viseur qu’une seule course, le demi-Ironman de Nice que je vais tenter de boucler le 16 juin. Dans le cadre de ma préparation, j’avais prévu de participer à deux triathlons de plus petits formats, un Sprint (format S) et un distance olympique (format M). Je n’ai pas trouvé de M qui m’aille et je n’ai donc gardé que le Sprint qui devait initialement me permettre de tester mon matos et de travailler mes transitions en situation de course, rien de plus. Pas question de me déchirer, pas question de faire des séances de préparation spécifiques sur ce format, juste un dimanche comme un autre.
Mais voilà qu’à peine inscrit et une fois lancée en l’air l’information, une ribambelle de petits jeunes, qui d’ailleurs ne sont plus si jeunes que ça depuis que moi-même je ne le suis plus du tout, se sont chauffés pour venir eux aussi participer à ce petit triathlon versaillais. Ma fille ainée, très pote avec ces 4 gaillards s’y met aussi et voilà que je me retrouve avec 5 autres Lilasiens dans les pattes dont au moins un qui n’a désormais plus qu’un seul objectif, se venger des 20 minutes que je lui ai collé dans la vue à Paris et de m’avoir dans son dos toute la course. Moi vivant, jamais !
Seul problème, ils courent vite. Bien plus vite que moi dont la marge de progression est désormais quasi nulle, surtout sur des petites distances rapides. Pas le choix, il va falloir forcer un peu sur la machine et le format sprint, c’est violent.
Le plus rapide du groupe, le seul qui m’inquiète vraiment peut courir les 5 km en 22 voire 21 minutes, moi, difficilement en moins de 25. Je dois donc gratter des minutes ailleurs. Avec l’expérience, je suis devenu efficace sur les transitions mais pas à ce point. Au vélo, plus la distance s’allonge plus je sais que je peux creuser l’écart mais sur 20 minuscules km, ça ne suffira pas. Il va donc falloir taper l’eau.
C’est parti
J’ai fait un peu d’intox en disant que nageais très mal, ce qui est un peu exagéré, je nage mal, mais pas très mal. Je me suis même un peu amélioré quand je nage avec un pull buoy qui maintient mes grosses cuisses à la surface et là, j’ai ma super combinaison qui elle aussi fait ça très bien. Il me reste donc juste à forcer un peu sur les bras. Je me place pile en face de la bouée et dès que le départ est donné, je force pour me sortir de la masse et dépasser les brasseurs. Les bons nageurs sont devant, les mauvais, derrière, me voilà donc assez peinard. Je force. Ça paye. Je suis le premier de notre groupe à sortir de l’eau. J’ai même réussi à battre ma fille, la meilleure nageuse du groupe. Je n’ai jamais nagé aussi vite de ma vie en eau libre. Je sors de l’eau essoufflé, j’entends mon père qui m’encourage, ça me donne un peu de jus mais il faut maintenant remonter jusqu’au vélo et la pente est pénible. J’arrive au vélo asphyxié, le cœur dans la bouche et je galère pour retirer la combi, oublie mes lunettes et perds 10 secondes à accrocher ma ceinture. Un vrai débutant.
C’est reparti
Je grimpe sur le vélo. C’est laborieux mais j’arrive à enfiler mes chaussures et me voilà enfin posé sur ma selle. Il faut absolument que je retrouve mon souffle, du coup, j’y vais tranquille. Trop. Le drafting est autorisé mais pour que ça soit utile, il faut se mettre à l’abri de cyclistes meilleurs que soi et les rares qui me doublent sont les excellents qui me prennent un tour, impossible de les suivre. Il n’y a pas de vent de toute façon et la route est coupée. La parcours vélo est top. C’est un tronçon de départementale, séparée par un terreplein central. Aucune voiture, pas de croisement, juste un aller-retour à faire trois fois. Je double des centaines de cyclistes mais comme le parcours consiste à faire trois fois la boucle, impossible de savoir s’ils sont dans leur premier, second ou troisième tour. Je guette la concurrence lilasienne, la seule qui ait de l’importance. J’ai besoin de rouler très fort mais les côtes sont féroces et j’ai beau arriver avec beaucoup d’élan et d’enthousiasme, je sens bien que je suis en cran en dessous de ce qu’il faudrait.
En terminant mon troisième tour, Je double ma grande qui est dans son deuxième tour. Elle avance bien, je suis tout content pour elle, j’avais craint qu’elle ne soit encore dans son premier. Je ne vois pas les garçons, j’aurais aimé me mettre à l’abri en leur mettant un tour mais je ne sais même pas s’ils sont devant ou derrière. Devant, avec un parcours vélo aussi vallonné, ça me semble impossible mais si Saad a bien nagé, il est peut-être pas très loin derrière et il court vite. Pas le choix, faut forcer. Je suis debout sur les pédales, et en finis avec la partie vélo. Mais le plus dur reste à venir, comme toujours.
C’est re reparti
Pour aller poser le vélo, il faut descendre jusqu’à la pièce d’eau des Suisses et remonter. C’est un peu éreintant et j’ai laissé quelques fibres sur la dernière partie du vélo. Ma seconde transition est néanmoins rapide, je reste moins de 10 secondes à mon emplacement et me voilà en train de trotter autour de la pièce d’eau. J’ai beaucoup doublé en vélo, continuellement même, mais sans pouvoir rivaliser avec les premières. Sur ce triathlon, les hommes licenciés ont couru le matin. Cet après-midi, c’est le tour des femmes et des hommes non licenciés. Et certaines de ces dames sont en train de me mettre une énorme mine. Je serre les dents et ne me fais finalement pas trop doubler mais surtout à chaque fois que je sens quelqu’un se rapprocher, j’appréhende que ça soit Saad car s’il arrive à me doubler, vu notre écart de niveau en course à pied, jamais je ne le reverrai. J’attaque la seconde boucle, la foule est dense, c’est boostant, je retrouve un peu de jus, mais je suis loin des 5 min au km qui me mettraient définitivement à l’abri. Je tourne en 5’15 et j’en finis avec le second tour. J’accélère, porté par la foule et je passe la ligne en 1h31’30. J’avais espéré secrètement faire 1h30 mais les transitions étaient vraiment longues et mon niveau en course trop light. Saad passe la ligne 1 minute après moi. C’est passé près…
4e étape
Le temps de re centrer mes chakras et me revoilà parti en sens contraire de la course pour aller chercher ma louloute. Je sais qu’elle est en train de courir, sa mère l’a vue partir. Je croise Jam et Anis qui me disent qu’elle est derrière mais qu’elle marche. Je finis par tomber sur elle. Elle trotte. C’est donc parti pour deux longs tours à essayer de l’empêcher de gamberger. C’est dur le triathlon, même sur petite distance. Le plus dur est de l’emmener à la fin du premier tour, je sais que la foule va la porter et qu’ensuite, quand on attaquera le deuxième, elle saura qu’elle va le finir. Mais c’est dur. Je la booste comme je peux, j’en oublie même que j’ai ma course dans les pattes puis nous sommes pris dans une énorme averse, une vraie douche. Mais c’est rigolo. C’est interminable. Moi je sais bien que ça finit toujours par finir mais comment la convaincre… Et ça finit, enfin. Il a tellement plu que l’arche a été retirée. Ma grande ne sait pas où est la ligne d’arrivée, je lui dis de sprinter quand même, c’est assez fou ce qui se passe et puis ça y est c’est terminé. Elle l’a fait. Et bien fait !
Nous sommes trempés, rincés, et je me dis que dans trois semaines, ça va vraiment être compliqué d’arriver au bout de mon demi-Ironman, surtout à Nice avec le col de Vence à passer mais en vrai, j’ai déjà hâte d’y être, de m’y frotter. Au final, les années passent et rien ne change, à chaque fois que je passe sous une arche, il ne se passe pas longtemps avant que je pense déjà à la course suivante.