Cours Forest !
Et hop, et hop, et hop…
Un jour, alors que je constatais, avec une pointe de dépit, que j’avais pratiquement repris les 8 kilos que j’avais mis près d’un an à perdre, je me suis dit, car j’ai de grands dialogues intérieurs avec moi-même, « Mimi, ça peut plus durer ! ». C’est important de temps en temps de se fâcher un peu avec soi-même et de se dire les choses désagréables que les autres n’osent pas vous les dire. À part quand ils sont ivres évidemment.
J’étais en vacances en Normandie, il faisait un temps parfait pour aller gambader et pour une raison inexplicable, j’ai chaussé une vielle paire de baskets usée qui trainait dans la chaufferie, un pantalon en toile léger qui était ce que j’avais de plus approchant d’une tenue de sport et je suis sorti trotter à la vitesse d’un âne qui boite.
Ça m’avait déjà pris une fois, quelques années auparavant et j’avais failli décéder en faisant le tour du pâté de maison. Jusqu’alors, il faut bien reconnaitre que la course à pied et moi, ça faisait deux. Et puis, sincèrement, je détestais courir. Et ce depuis fort fort longtemps. J’ai des souvenirs très précis de ma seule année de Lycée à Paris. La prof nous emmenait courir au bois de Vincennes, autour du lac. Je ne comprends qu’aujourd’hui la chance que nous avions. Loin de trouver ça fun, je me planquais derrière les arbres et je faisais semblant d’avoir fait le tour. Je ne saurai jamais si la prof était dupe ou si elle faisait semblant d’y croire. Et si tel était le cas, si c’était par bienveillance, par indifférence ou par résignation.
J’ai des souvenirs plus lointains du stade municipal du Bourget où je m’essoufflais à en crever, pourri de points de côté, maudissant le prof qui le nez dans son chrono, impassible, insensible à nos souffrances, incapable de ne serait-ce que nous expliquer pourquoi nous courrions, se contentait de me confirmer ce que tout le monde savait déja, à savoir que je ne valais rien en course à pied.
Pourtant 15 ans plus tard, sans raison particulière, je me suis dit : « et pourquoi pas ».
J’ai emprunté un petit chemin de tracteur où je cours encore aujourd’hui dès que je le peux et je me suis mis à trottiner. Sans m’arrêter. Et j’ai tenu.13 longues minutes. 2 km complets sans m’arrêter. J’étais fier comme si j’avais grimpé l’Everest. Le lendemain, incapable de descendre les escaliers sans m’accrocher à la rampe, j’ai pris mon courage, et ce qu’il restait de mes cuisses, à deux mains et je suis reparti faire cette petite boucle champêtre de 2 km. Puis dans l’euphorie, j’ai acheté des chaussures qui courent vite, un petit short en satin avec le slip cousu dedans, des socquettes blanches et j’ai tenté l’impossible : deux tours complets de cette petit boucle sans m’arrêter. Puis trois. Au bout d’un mois, en courant un jour sur deux, j’arrivais à courir 35 minutes sans m’arrêter. Au bout de deux, j’arrivais à courir entre 7 et 8 km à chaque sortie et pendant longtemps, je n’en suis pas revenu.
1an plus tard, je vivais l’enfer sur mon premier 10 km, finissant à l’agonie au fin fond du classement. Je me suis alors fixé comme objectif de passer sous les 50 minutes aux 10 km. Pour beaucoup, le sub50 comme on dit, ça se règle en 6 mois. Moi, ça m’a pris 13 ans. Mais j’y suis arrivé 🙂
70 courses plus tard, je n’ai aucun bilan à tirer, juste des récits à en faire. C’est la raison d’être de ce blog. Un carnet de bord dans lequel je peux raconter ce qui me passe par la tête lorsque je m’aligne sur une course après un entrainement long et rigoureux ou la fleur au fusil après une période dilettante. Quand je cartonne et pulvérise mon objectif ou quand je me scratche.
Quand je m’entraîne à la course à pied, plus de la moitié du temps que j’y consacre consiste à trottiner tranquillement dans de jolis endroits, de beaux parcs de belles forêts ou dans la montagne que j’aime tant. Mais il y a aussi de nombreuses séances pénibles, inconfortables, difficiles, que je m’impose parce que c’est comme ça qu’on progresse. Pourtant, mon absence définitivement évidente de prédispositions, ma carrure et surtout le poids qui va avec, incompatibles avec tout espoir de performance, me cantonnent dans le ventre mou des classements, quelles que soient les distances sur lesquelles je m’aligne. Mes résultats sont généralement situés entre moyens et médiocres, niveau qui n’impressionne personne et qui ne permet de se qualifier pour rien.
Alors pourquoi ? Pourquoi s’imposer ça. La réponse tient en deux mots : faire mieux. Gagner une poignée de secondes. Gagner quelques places au classement. Battre un record personnel établi la semaine d’avant ou 10 ans plus tôt. Faire mieux, même un tout petit peu mieux. Y parvenir, en tirer une joie profonde, relativiser, convenir qu’on aurait pu faire un chouia mieux, se mettre à y croire. Et recommencer.