Ma recette pour bien courir : ne surtout pas se préparer !
Pour être tout à fait honnête, je n’avais pas du tout prévu de faire un récit de cette course. D’ailleurs j’y suis, comme l’an dernier, allé à reculons et c’est à se demander pourquoi chaque année, je m’évertue à m’y inscrire.
Étant donc, par principe, contraint d’honorer ma présence sur cet événement, je me suis résigné à devoir prendre le départ mais sans avoir la moindre intention de compétiter sérieusement. Et comme je ne vais pas vous faire un article pour chaque footing dominical, il n’a jamais vraiment été question de parler de ces 20 km autrement que de façon anecdotique.
Sauf que voila, figurez-vous que j’y suis allé quand même et qu’il s’est avéré que j’étais dans un bon jour. Alors forcément, pour une fois que ça se passe pas trop mal, ça vaut le coup de sacrifier une soirée pour vous raconter.
Pas de prépa, disais-je donc. Pour performer sur une épreuve telle que les 20km de Paris, un entraînement de 5 semaines à base de 3 séances par semaine est un minimum. Pour moi ça aura été un petit footing dimanche dernier au cours duquel j’ai pu mesurer l’étendu de ma non-préparation. Au bout d’une cinquantaine de minutes, j’étais en ruine.
J’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes et me suis fixé quatre objectifs pour la semaine : me mettre à la diète ; faire deux séances de qualité mardi et jeudi ; dormir 7 heures par nuit jusqu’à dimanche et lever le pied au boulot. Une heure après, attablé devant une tartiflette, je prenais conscience du caractère totalement inepte de ces bonnes résolutions inapplicables. Et je ne parlerai pas de l’invitation à diner chez des potes la veille de la course que j’avais zappée, de l’animation roller du samedi après-midi et des 45 bambins impatients d’en découdre à qui il était inconcevable de faire faux bond, des 15 articles à écrire pour la semaine dernière, des réunions improvisées finissant à pas d’heure et de mon absolu manque de courage pour résister à l’appel implorant d’une glace à la confiture de lait ou une viennoise au chocolat.
Et pourtant, malgré tout cela et contre toute attente, j’ai réussi, sans même l’avoir prémédité, à faire une de mes meilleures courses depuis des lustres.
Le jour J, je parviens à gratter une heure de sommeil en calculant au plus juste. J’arrive sur place seulement une quinzaine de minutes avant le coup de pistolet et me retrouve comme chaque année au milieu d’un capharnaüm total. Cette fois, pas question de m’engager sur le pont d’Iéna pour me retrouver pris en tenaille au milieu de la foule comme l’an dernier. À dix heures pétantes, le départ et donné. Les élites partent, les dossards préférentiels également puis la première vague est en train de s’élancer quand je remarque un petit groupe de coureur en train de se diriger vers l’entrée d’un des sas qui a visiblement été délaissé par la sécurité. Sans bousculade, sans franchir illégalement la moindre barrière et sans encombre, je me retrouve à prendre le départ immédiatement sans avoir le temps de réfléchir.
J’avale la côte initiale sans la moindre difficulté, trottine pendant un kilomètre en guise d’échauffement puis avale le second kilomètre un poil trop vite mais juste ce qu’il faut pour me caler sur la base de 5 minutes 40 au kilomètre en me disant que je verrai bien combien de temps je peux maintenir cette allure. J’ai complètement oublié de regarder quel était mon temps de l’an dernier et n’ai donc aucun but précis. Arriver en forme en ayant réussi à maintenir une bonne allure semi-marathon serait déjà une très grande victoire. Les kilomètres défilent régulièrement, sans fatigue, sans difficulté. Je suis tellement facile que je me demande si je ne devrais pas accélérer un peu mais comme je n’ai pas d’objectif chronométrique, le risque de me cramer pour rien est important et le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Je prends donc le temps de bien me réhydrater, de me re sucrer et de marcher quelques secondes au ravito puis je repars sur les mêmes bases. Au 12 e kilomètre, la fatigue commence à se faire ressentir. N’ayant pas fait une seule sortie longue digne de ce nom, mon organisme me signale qu’il a son compte pour aujourd’hui mais je ne m’en préoccupe pas, tout étonné que je suis de n’être pas plus mal en point. Au 15e kilomètre, ça tient toujours mais c’est dur car depuis quelques temps, il fait beaucoup plus chaud. Je suis trop couvert mais j’ai vraiment trop la flemme de me changer. Bon choix ceci dit, car moins de dix minutes plus tard, au bord de la surchauffe, un vent glacé traverse la Seine et vient relancer la machine. C’est divin.
Je consulte mon chrono et après un bref calcul, je constate que je suis un véritable métronome. Il s’en est fallu de peu pour que je fasse un truc vraiment bien, mais au 18e kilomètre, après 1h40 de course, j’ai un gros coup de moins bien. C’est dommage car en restant à cette vitesse encore deux petits kilomètres, je pouvais espérer frôler les 1h50. Mentalement, je ne suis pas préparé à souffrir et je n’en ai aucune envie. Je gère donc assez mal ce petit passage à vide et finis par marcher quelques instants mais je me reprends assez vite. C’est quand même trop tard, j’ai laissé passé l’occasion de faire un chrono décent qui m’aurait placé dans la première moitié du classement mais je me ressaisis quand même assez vite et je m’autorise même une belle accélération lorsque l’arche d’arrivée est en vue. Je termine en 1h53’19, ce qui n’est pas extraordinaire en soi mais restera un amusant souvenir. Après avoir beaucoup connu de jours sans en compétition, je découvre ou plutôt redécouvre qu’il y a aussi des jours avec.
Je suis donc finalement assez content. Tous les ingrédients étaient réunis pour que cette matinée tourne au cauchemar. Dans le métro, au retour, je me souviens que ma montre garde en mémoire des centaines de chronos et en remontant jusqu’au mois d’octobre 2012, je découvre que je me suis même payé le luxe de battre de près de 2 minutes 30 mon record sur la distance.
L’an prochain, rebelote, objectif 1h49, mais avec cette fois, promis, juré, craché : une super préparation, cinq kilos de moins et un mental d’acier. Ou pas.
© Sabine Dechaume Lepape-info