Samedi 31 décembre
Bien qu’on soit samedi, vacances scolaires obligent, je ne suis pas contraint d’aller bosser. Je me lève néanmoins aux aurores, résolu à en découdre avec l’asphalte francilien. Mon compteur de vélo pour 2011 est bloqué à 2699 km et moi, j’aime bien les comptes ronds. Je me suis donc prévu un petit aller/retour vers Jablines sur la piste du Canal de l’Ourcq, me remémorant avec une pointe de nostalgie notre formidable Balladavélo du mois de mai en direction de la Brie.
Dehors, il se met à pleuvoir. Pas beaucoup, mais suffisamment pour éclipser ces beaux souvenirs et me rappeler que cette même année, j’ai également vécu l’enfer lors d’un Paris-Quettetot à rallonge au cours duquel j’ai passé des heures à pédaler sous des trombes d’eau et que je déteste rouler sous la pluie. Je renonce donc à la ballade. Je suis d’humeur maussade. J’allume mon PC pour voir si la nuit lui a porté conseil. Record battu, il reste allumé 17 secondes, c’est 7 de mieux qu’hier. J’essaye de me souvenir d’à quand remonte la dernière sauvegarde. Le fait que je ne m’en souvienne pas indique que ça doit faire un petit moment. Je décompte mentalement le nombre de disques durs externes vides ou quasiment vides qui sont présents dans la pièce et dans un soupir, m’effondre dans le canapé, découragé.
Comme il est encore tôt, je décide donc de remplacer la sortie en vélo par un aller/retour vers Surcouf en bagnole. L’idée est d’acheter un boitier pour transformer le disque dur du PC en disque dur externe, pouvoir accéder aux données et faire les sauvegardes. Après être passé pour un abruti devant un vendeur sympa et dispo mais visiblement atterré par la débilité de mes questions, me voilà l’heureux propriétaire d’un nouveau boitier que le vendeur m’a bien recommandé de « ne pas oublier de le brancher si [je] voulais que ça fonctionne ». Après avoir tourné un bon quart d’heure, je trouve enfin une place gratuite à l’autre bout de la ville où je vais pouvoir oublier ma voiture. Après un peu de marche à pied, me voilà de retour dans mon salon. J’ouvre consciencieusement la boite et constate avec dépit qu’il manque le câble d’alimentation. Après avoir vérifié trois fois et pesté comme un beau diable, je retraverse la ville dans l’autre sens pour reprendre ma voiture et abandonner ma place si durement acquise.
Arrivé aux alentours de la porte de Montreuil, une petite veilleuse s’allume au fond de ma caboche. J’ai acheté un boitier. Une boite vide quoi. Ça se trouve, « y z’ont mis le câble dedans ! » me dis-je. Je sors du périf en me maudissant et une fois garé, je dévisse consciencieusement le boitier pour vérifier si des fois le câble y serait pas. Y y est ! J’imagine la tête de mon vendeur si j’étais revenu avec la boîte, préfère chasser loin cette idée et j’entame mon demi-tour en maugréant, me faisant au passage copieusement klaxonner par des parisiens toujours aimables au volant.
Je passe devant le centre commercial. J’hésite mais j’ai besoin d’acheter une bouteille de champagne et au point où j’en suis… Me voilà donc un samedi 31 décembre dans un hypermarché francilien. Que du bonheur. Après avoir survécu à une émeute après l’annonce d’une vente flash sur le JB, j’arrive péniblement au stand charcuterie où je manque de me faire piétiner par une centaine de badauds attirés par la promo démente sur le kilo de clémentines à 1€. Poireautage à la caisse, rentrage, cherchage de place, montage des courses, trop fun ce 31 décembre ! De retour à mon chez moi, je passe une petite heure à faire des branchements de câbles en tout genre puis encore une heure à essayer d’accéder aux fichiers avant de trouver la solution sur un forum et lance enfin la sauvegarde.
Mon notebook asthmatique m’annonce plus d’un jour pour faire la copie des photos et des documents, je laisse donc l’ordi tourner et tente à 23 reprises de battre le score inaccessible de mon ainée au basketball de rêve sur Mario & Sonic et comme je n’y parviens évidemment pas, ça m’énerve. Je suis tiré de ma léthargie par le spectacle d’un sac Ikea posé négligemment sur le canapé, comme si de rien n’était. Ça sent la corvée de sèche-linge. Il pleut toujours. Direction la laverie donc, avec mon sac de 180 kg de draps mouillés. J’y suis et comme il se doit, les huit appareils sont déjà en marche et quatre personnes font la queue. Je sais désormais ce que font les Lilasiens le 31 décembre : ils font tourner des sèche-linges, comme moi ! Je repars donc avec mon sac de 225 kg et de retour à la maison, je m’effondre à nouveau dans le canapé. L’ordi continue à mouliner alors je refais une quinzaine de tentatives sur Sonic & Mario, sans plus de succès.
Je repars en direction de la laverie deux heures plus tard, trouve finalement un sèche-linge vide, balance mon linge. Il est 17h55, les magasins ferment à 18h ce soir, je l’ai lu au supermarché ce matin. Une seconde veilleuse s’allume. Ce matin, j’ai acheté la moitié du centre commercial mais j’ai oublié le champagne. Normal puisque j’y allais pour ça. Je traverse la ville en courant pour accéder au petit supermarché du coin. J’arrive haletant à 18h03. Il fermait à 19h00. J’achète mon champagne et retraverse la ville en direction de la laverie. Je récupère mes draps et retourne chez moi avec mon sac de 380 kg de draps secs (plus le poids de la bouteille de champagne).
Avec tout ça, il est presque l’heure de sortir la table et d’installer le service à raclette. « À ce propos, chérie, il est où le service à raclette ? »
Bonne question n’est-il pas ? Après avoir éliminé toutes les cachettes possibles, il faut bien se rendre à l’évidence, il n’y a pas, dans cette maison, d’appareil à raclette. Il n’en aurait pas fallu beaucoup plus, à ce moment là, pour que je me sente vraiment découragé.
Sauf que
Ce qu’il faudra néanmoins retenir de tout ça, c’est que mon PC est sans doute mort mais qu’il a eu une belle vie, que mes données sont finalement sauvées et qu’un pote nous a, à l’arrache, dégoté un service à raclette, que j’ai du, bien entendu, aller chercher chez sa voisine qui habite à l’autre bout de la ville, mais c’est une petite ville. Plus tard le fromage a fondu, il y a eu des embrassades, le champagne était frais (et bon), j’ai envoyé 450 sms et en ai reçu 23 dont au moins 13 m’étaient adressés rien qu’à moi et c’est sans doute plus que ce que beaucoup pourraient espérer dans leurs rêves les plus fous.
J’ai eu la chance en 2011 de profiter jusqu’à plus soif de la vie que j’ai la chance d’avoir. Je ne sais pas si c’est la vie dont je rêvais, mais elle me plait et ce qu’elle m’apporte est inestimable. Une vie ponctuée par d’immenses bonheurs et de petites emmerdes. J’ai pédalé, roulé, couru, bossé, voyagé, plongé, écrit, lutté et partagé beaucoup avec des gens formidables et dans tout ce que j’ai entrepris, j’ai eu l’immense chance d’être soit accompagné, soit soutenu, soit encouragé par les gens que j’aime et dont j’ai l’immense chance d’être aimé en retour.
Alors à vous tous qui avez une place dans cette vie et qui comptez pour moi, je vous souhaite une merveilleuse année 2012 ! Et merci de me rendre mon service à raclette !