Virée picarde à la découverte des châteaux et abbayes de l’Aisne
La réussite d’une baladavélo repose sur un fragile équilibre entre effort et plaisir, savant mélange de dépassement de soi et de tranquille nonchalance, avec au cœur de chaque virée, le plaisir d’être ensemble pour râler en cœur quand ça monte et redécouvrir ensemble à chaque tournant que, quand même, on habite dans un joli pays.
À force d’organiser ces petites virées champêtres, le cuistot commence à avoir le tour de main mais encore faut-il que tous les ingrédients soient réunis : quelques soirées sur Google map, des feintes de dernière minute, de l’eau, du sucre, des mollets qui chauffent, du gaz, du soleil, du dépassement kilométrique, des blagues pourries et bien sûr des potes ultra sympas parce que sans les potes, la baladavélo ne serait qu’une banale balade à vélo.
Cette 6e édition n’a donc pas dérogé et conformément au cahier des charges, on a bien fait chauffer les mollets et on s’est bien marré. Monsieur Météo France nous avait prédit l’enfer, noyés sous des tonnes de flotte mais les éléments, sans doute impressionnés par mon inébranlable optimisme, nous ont finalement regardés passer sans trop s’en mêler et c’est couvert de belles couleurs que nous voilà rentrés de cette petite virée picarde.
Préparer une Baladavelo, c’est déjà une aventure en soi. Viendra, viendra pas, viendra en roller, viendra avec un pote qui a pas de vélo, viendra mais sans vélo, viendra qu’un jour sur les trois et à Bibi de jongler avec tout ça.
Loin de moi l’idée de faire mon râleur mais quand même cette année, les gars, ça a été le pompon. Prévus pour être 3 puis 4 puis 5 puis 6 puis plus que 5, je n’ai pu commencer à plancher sur le parcours et chercher les gites d’étape que dans les tous derniers jours précédant le départ.
À j-2 et quelques cheveux blancs plus tard, tout semble cependant à peu près cadré. Nous serons 3 sur la rando complète et 3 qui feront uniquement la première étape et rentreront en train. Mais ça c’était avant. À J-1, nous en sommes à deux forfaits pour cause de gastro et c’est donc avec un brin de soulagement que je vois arriver samedi matin, au compte goute, mais en pleine forme, mes trois compères, sous un soleil radieux de fort bon augure.
Étape 1 : Paris – Crouy 124 km
Crouy est une petite ville qui touche Soissons. On y trouve une chambre d’hôte charmante et un restau-marché non moins charmant avec un buffet d’entrées de très bonne tenue. J’ai même le souvenir d’avoir vu des buffets de mariage bien moins achalandés. Crouy est donc la parfaite ville étape de Baladavélo.
Soissons est une grande ville un peu déprimante où lorsque l’on s’y promène le samedi après-midi, des hauts parleurs crachent des réclames d’une inanité affligeante. C’est moins charmant mais son Abbaye Saint-Jean-des-Vigne vaut le détour. Ne sachant encore rien de tout cela, c’est donc en direction de Soissons et de sa gare que nous partons au petit matin.
Compte tenu des délais pour tout boucler, je n’ai pas vraiment eu le temps de finasser et le parcours sera du déjà vu : Canal de l’Ourcq, direction l’Aisne, comme il y a deux ans. Comme souvent dans ce sens-là, nous sommes poussés par un vent de dos qui nous permet d’atteindre une bonne cadence et nous avalons les 30 km de piste cyclable qui nous mènent à Mitry avec une rapidité surprenante.
Il fait un temps magnifique, tout le monde est en forme et même si notre récent passage de grade a laissé des traces dans l’organisme de Benj et du mien, nous avalons les kilomètres à toute vitesse. Nous pique-niquons après avoir roulé un peu plus de 50 km puis reprenons la route et roulons au travers des champs de blé, toujours poussés par le vent. Pour cette 6e virée, j’innove. J’ai décidé de me passer de mon énorme batterie de 2 kilos et nous roulons donc au road-book, préparé à l’arrache la veille mais qui s’avèrera tout à fait suffisant. Le GPS restera donc éteint la plupart du temps, ne servant qu’à contrôler notre itinéraire et à ne pas perdre de temps dans les villes.
En milieu d’après-midi cependant, nous ratons une bifurcation et nous nous retrouvons sur une petite route, juste à temps pour éviter à deux autochtones de se tabasser comme des chiffonniers pour une sombre histoire de marche arrière et d’honneur bafoué. Cette petite incursion ethnologique n’est pas pour déplaire à Benj qui adore se retrouver au plus près de la population locale et c’est donc avec une certaine curiosité que nous nous frottons aux us et coutumes de ces pittoresques abrutis. Bon, reconnaissons tout de même que pour les Séquanodionysiens que nous sommes, le dépaysement ne fut pas total. D’ailleurs, tout est vite rentré dans l’ordre en faisant les gros yeux et une fois sifflée la fin de la récré, nous pûmes repartir profiter du silence et de la quiétude des paysages traversés.
Après quelques côtes légères et quelques nouvelles longues lignes droites, nous arrivons finalement en milieu d’après-midi à Soissons avec un peu plus de 120 km au compteur avalés à une moyenne de 22 km/h. Nous visitons rapidement le site de l’Abbaye Saint-Jean-des-Vigne puis nous rendons dans le centre pour voir la cathédrale qui ne mérite pas le détour.
Après avoir vainement tenté de trouver une terrasse sympa pour boire un coup avant de nous séparer d’un quart de notre quatuor, nous faisons route vers la gare ou nous finissons par convaincre une cafetière de ressortir une table et quelques chaises pour nous permettre de trinquer à cette sympathique journée puis nous accompagnons à regret Pierre à son train car quand même, on aurait préféré qu’il reste avec nous les trois jours mais c’est ainsi.
Rendus à l’état de trio, nous parcourons en quelques minutes les quelques kilomètres qui nous séparent de Crouy, de sa maison d’hôte et de son inoubliable Restau-Marché.
Étape 2 : Crouy – Fère-en-Tardenois 113 km
Après une excellente nuit, un petit déjeuner pantagruélique et une petite assistance médicale sur le vélo de Flo, nous voila de nouveau en selle, moyennent motivés, car notre hôte vient de nous apprendre que le parcours que j’ai tracé est certes très joli mais que nous pouvons nous attendre à nous farcir quelques très vilaines côtes.
Nous quittons donc Crouy pour une longue (qui a dit interminable ?) boucle, censée nous ramener, après une centaine de kilomètres, à seulement quelques kilomètres de notre point de départ.
J’avais en effet profité du salon de la rando pour récupérer des cartes touristiques de l’Aisne et j’avais flashé sur ce département et ces innombrables monuments historiques, châteaux et autres cathédrales. Je n’avais juste pas pensé que toutes ces villes plus ou moins fortifiées se situaient, comme il se doit, aux sommets de collines plus ou moins élevées et que les atteindre serait un chemin de croix. Disons juste que cela fait également partie du charme des Baladavélos 🙂
Après seulement quelques kilomètres, nous attaquons à froid par la montée vers Coucy le Château, dont l’intérêt reste à démontrer et dont nous estimerons à l’unanimité que le rapport effort/panorama est très défavorable. L’entrée des ruines du château étant payante, nous boycottons et quittons les lieux en direction de la forêt de Saint Gobain que nous a recommandée notre hôtesse et qui n’était pas sur mon parcours initial. Elle nous a dit que c’était drôlement joli et elle ne nous a pas menti. Elle a juste omis de préciser qu’elle ne l’avait sans doute jamais traversée qu’en voiture car cette (certes très jolie) forêt s’avérera être un casse patte interminable qui a mis nos organismes à rude épreuve. Enfin, pas tous les organismes, celui de Flo étant hors norme, nous passerons une bonne partie de la journée à le regarder de loin nous grimper tout ça sur le plateau du milieu avec une facilité tout à fait déconcertante.
Finalement, après en avoir bien bavé, nous arrivons à Laon, une ville superbe mais qui se mérite. La cathédrale se trouve au sommet d’une colline que l’on atteint en grimpant une côte infranchissable que seul Flo montera en vélo. Sur celle-là, on a d’ailleurs bien failli perdre Benj qui nous a même semblé, par moment, avancer à reculons 😉
Le pique-nique sur le muret faisant face à la cathédrale durera bien plus longtemps que prévu et bien nous en a pris car nous étions loin d’en avoir fini avec cette boucle des châteaux qu’on ne refera sans doute pas de sitôt.
Nous repartons en direction du chemin des dames et tombons par hasard sur le très beau site de L’abbaye de Vauclair avant de nous diriger vers la Caverne des dragons et son musée. Après quelques tergiversations, nous décidons finalement de renoncer à la visite guidée d’une heure et demie et de tracer directement vers Fère-en-Tardenois afin de profiter du jour pour visiter son château qui, d’après ce que je me suis laissé dire, est absolument magnifique.
Nous roulons donc en direction de Fère. En théorie, le timing était bon. En théorie. Ceux qui ont roulé avec moi sur les éditions précédentes le savent, en théorie, ça passe, en pratique, on a souvent droit à un peu de rabe. Ce coup-ci, après une journée de montagnes russes, les 15 kilomètres de plus sont quand même un peu les 15 kilomètres de trop et lorsque nous arrivons enfin dans notre ville étape, nous sommes complètement rincés, affamés et même un peu mouillés car pour couronner le tout, les premières gouttes de pluie tant redoutées tombent au moment même où nous passons devant le panneau de ville signifiant que nous touchons au but. Nous passons devant le chemin qui mène au château sans même un regard. Faudra donc revenir.
Nous sommes accueillis par Christian, un hôte particulièrement sympa qui se coupe en quatre pour nous et qui est revenu de Paris spécialement pour nous accueillir. Alors que nous repartons en quatrième vitesse vers le kiosque à pizza, il nous propose de nous préparer… le jacuzzi (même nous ça nous a surpris). Le miracle, un jacuzzi à 36°, nous n’aurions même pas osé l’imaginer dans nos rêves les plus fous.
Après nous être goinfrés comme des gorets, nous passons donc la soirée entière dans le jacuzzi dont Christian viendra nous extirper tard dans la soirée.
Étape 3 : Fère-en-Tardenois – Les Lilas 114 km
Ben voila, on nous l’avait promise, on l’a eue. La pluie, annoncée pour trois jours et qui jusqu’à maintenant avait eu la courtoisie de nous laisser pédaler au sec depuis notre départ.
C’est donc sous une pluie supportable mais bien présente que nous nous remettons en route. Moins d’une heure après, il fait déjà beau et nous roulons tranquillement en pleine campagne sur une route bien plus plate et facile que la veille, ce qui n’est pas du luxe car nous commençons tous à avoir le popotin en confiture. Nous roulons ainsi plusieurs heures au milieu des champs bordés de coquelicots, sans qu’il ne se passe quoi que se soit de suffisamment marquant pour que je m’en souvienne à l’heure où j’écris ces lignes.
Nous pique-niquons sur un banc dans un petit centre ville sans charme puis enquillons les kilomètres jusqu’à Charny.
Là, comme je suis censé connaître cette partie du parcours comme ma poche, j’ai simplement écrit sur mon road-book Charny –> Canal. Voila. Sauf que je ne reconnais rien et que je n’ai pas la moindre idée de la façon de rejoindre le canal. Je demande donc mon chemin à des autochtones et ne trouve à me mettre sous la dent qu’un djeun à casquette qui conduit une super 5 tunné (ça ne s’invente pas) et un jardiner sans âge, édenté et très jovial. L’un m’indique d’aller tout droit et l’autre d’aller à droite. Je décide de leur faire confiance car ces deux là m’ont l’air de savoir de quoi ils causent et nous allons donc tout droit puis à droite malgré les réserves de Benj et Flo que tout cela laisse un peu dubitatifs.
Ils ont tort car les indications de nos deux amis Charnicois nous amènent pile poil à Fresnes-sur-Marne, le vrai bled où se récupère le canal et le chemin de halage. Après un rapide calcul, il nous semble désormais évident à tous qu’une fois encore, mes prévisions kilométriques fantaisistes nous ferons faire quelques kilomètres de plus mais on est si bien ensemble. Les 30 derniers kilomètres sont les meilleurs, nous allumons bien sur la piste cyclable totalement plate et très agréable et après une dernière pause à la buvette du parc de la Poudrerie, nous voila de retour au milieu des flux de voitures pour la dernière difficulté du parcours, la montée vers les Lilas par la côte pavée du stade.
Trois coups de pédale plus tard, nous voilà de retour en terre connue.
Nous bouclons cette 6e Baladavélo après 351 kilomètres (record atomisé pour Benj qui espérait bien dépasser les 300) dans une forme tout à fait acceptable et avec, du moins en ce qui me concerne, une seule envie, remettre ça le plus vite possible !
D’ailleurs je viens d’avoir une idée, et si on… (à suivre)