En duo aux 24 heures du Mans

Le Mans 2008 : y aller ou pas ?C'est parti pour 24 heures de folie

À l’issue de l’édition 2007, je pensais sérieusement ne pas revenir en 2008. La préparation de cet événement m’avait pompé beaucoup d’énergie et certains de mes coéquipiers avaient eu un peu tendance à confondre « capitaine » et « agent de voyage ».
Sur place, j’étais arrivé fatigué, en surpoids important et avec du matériel pourri. J’avais fait des temps médiocres arrivant péniblement et rarement à descendre en dessous des 11 minutes.
Au final, mes seules satisfactions avaient été que mes coéquipiers passent un week-end « super bien organisé ». L’abnégation de nos staffeuses qui s’étaient occupées de nous comme même des mamans n’auraient pu le faire et le plaisir d’avoir réussi à débaucher Pierre (8WD) et de l’avoir rencontré à cette occasion.

la catégorie Duo : un déclic

Quelques mois plus tard et alors que je ne faisais pratiquement plus de roller pour des tas de raisons (découverte de la course à pied, reprise des arts martiaux avec entraînement le vendredi soir tombant en même temps que les randos Pari-roller, Vélib…), je reçois un mail de l’organisation indiquant qu’il y a cette année une nouvelle catégorie : le DUO.
Étant à ce moment là dans une forme physique épatante, cette nouvelle me fait l’effet d’une bombe. J’appelle immédiatement mon pote Laurent avec qui j’ai participé au Mans les deux dernières années et lui propose ce défi.
C’est à la fois assez ambitieux et réaliste, je n’aurai pas à organiser le voyage de 15 personnes mais seulement de Laurent, de nos épouses staffeuses et de moi-même.
D’autre part le rythme plus lent correspondrait forcement mieux au patineur de rando que je suis. Et puis c’est l’occasion de tester grandeur nature ma toute nouvelle endurance acquise grâce à la course à pied.

200 km de roller en… un an !

Une fois la décision prise d’y aller, reste à régler deux trois détails comme : comment inclure des entraînements roller dans un programme déjà totalement overbooké, quels patins utiliser pour éviter de finir en morceaux et comment organiser le voyage pour que le déplacement génère un minimum de stress. Vaste programme.

Le choix des patins

Côté matos, je n’arrive pas à me décider : garder mes K2 Radical qui me font mal aux pieds ? rouler avec mes freeskate, confortables mais avec des roues et des platines minuscules et faire du sur place en m’épuisant ?
Je décide finalement de faire le sale gosse et de m’acheter une énième paire de roller en choisissant des chaussons confortables et des grosses roues, que je pourrais réutiliser pour les randos et d’éventuels raids longue distance en solo que je projette de faire… un jour.
Mon choix se porte sur les K2 Moto Extrême car ils proposent un système high-low comme sur mes Deemax que j’adore mais avec deux roues de 100 mm à l’arrière et deux de 90 mm à l’avant. De plus, ils sont vendus pour des patins de fitness avec beaucoup de mousse et un prix très raisonnable. Ils sont très confortables et me vont parfaitement.
Les premiers kilomètres sont un pur plaisir, avec des sensations de vitesse jamais ressenties jusqu’avant.

Entraînement

Pourtant les séances d’entrainement qui vont suivre vont assez rapidement tourner au cauchemar. Je décide de m’entraîner tous les dimanches matin autour de Paris en faisant un, voir deux tours sur les boulevards maréchaux. Aux sorties écourtées par la pluie, vont se succéder des sorties stoppées au bout d’une heure les pieds en sang.
Les patins ne me tiennent pas le talon et les pieds bougent énormément dedans entraînant des frottements importants et des ampoules de la taille d’une pièce de deux euros. Des points de pression insupportables apparaissent. Du coup, je regarde les patins comme des objets de torture et comme il pleut tout le temps je ne patine pratiquement jamais, préférant le confort et la sécurité de mon vélo qui freine.Sur la ligne de départ
Je ne suis bien que dans mes Salomon, que je ne chausse pas plus vu que j’ai les malléoles en sang et les pieds qui baignent dans le compeed 24h/24.
À J-4 j’ai en tout et pour tout été 5 fois au boulot en roller dans l’année, fait une rando du vendredi soir et 5 sorties d’une à deux heures, toutes achevées dans la douleur et sans une once de plaisir.
À ce moment, là si j’avais été inscrit en équipe ou en solo, j’aurais probablement renoncé. Mais bon, pas question de lâcher Laurent et en attendant, je n’ai toujours pas décidé si je vais tenter de rouler quand même avec les K2 moto ou rouler en freeskate.

Protéger les pieds

Je récolte sur le forum de REL de bons conseils pour protéger mes pieds, puis le vendredi je fais le tour des popotes pour récupérer du matériel. Un ami me prête une paire de 5×80 très roulants mais qui me font un mal de chien mais surtout 4 bandes d’épithélium 29, des sortes de secondes peaux à glisser sous la chaussette. Qu’il soit béni, lui et toute sa famille sur 5 générations.
H-23, il est 17h00 je repars pour une dernière sortie avec les secondes peaux et là, miracle, aucune douleur, pas le moindre frottement, ce problème-là au moins semble résolu. Est-ce que ça tiendra 24 heures ? Ça c’est une autre histoire…

Stratégie de course

Côté tactique de course, cette année, on essuie les plâtres. Personne n’a encore concouru en duo et personne ne sait vraiment quelle est la meilleure tactique.
Nous nous fixons des objectifs raisonnables. Comme nous avons un très bon foncier mais pratiquement aucun kilomètre dans les pattes, nous décidons de rouler à un rythme de randonnée assez lent pour éviter de nous casser. Notre objectif est de finir, sans être ridicule, mais surtout de prendre du plaisir à patiner et profiter un maximum du circuit. Nous fixons un cap symbolique à 100 tours et de ne pas finir trop bas dans le classement des duos. Et sans souffrance excessive.
Je cherche la tactique la moins traumatisante pour l’organisme. J’essaye de glaner des infos sur les forums mais c’est peu concluant. Mon coéquipier est assez résistant, il a déjà des expériences de triathlon et c’est surtout un montagnard expérimenté habitué aux efforts longs et répétés. Moi je n’ai aucun recul sur ma capacité de résistance puisque je vais partir au Mans avec une condition physique, un poids et une force que je n’ai jamais eu auparavant, même tout jeune.
Sachant qu’en course à pied, je commence généralement à en avoir marre au bout d’une heure, je propose à Laurent de rouler maximum une heure chacun puis de faire un gros bloc de 4 heures la nuit. J’en discute longuement avec Mike (Yu) par msn qui me conseille plutôt une coupure de 3 heures la nuit avec deux heures de sommeil réel, ce qui semble mieux convenir aussi à Laurent. Un cycle de sommeil ça peut effectivement suffire et nous entérinons donc ce découpage qui s’avérera absolument parfait et adapté à notre forme physique et à nos objectifs.

Le voyage

Reste l’organisation du voyage qui m’avait tant pesé l’année dernière. Réunir le matériel, le stocker, faire les courses, jongler avec les contraintes de boulots, les gamines à faire garder, l’arrivée avant 11h00 pour retirer les puces… Nous optons pour une organisation minimale. Deux repas froids pour tout le groupe, de quoi faire un gros petit déjeuner et chacun gère ses barres et gel. Pas de t-shirt à marquer (de toute façon on va en porter 5 ou 6 différents). Reste le voyage ; voiture, train, bateau ?

Samedi, réveil 5h45 : galères sur galères

Finalement nous optons pour le TGV, en prévision du retour car je sais d’avance que je ne serai pas en état de conduire et que mon accompagnatrice (ma chère et tendre) n’a pas le permis de conduire.
Cette décision tardive se traduira par des billets de train hors de prix et un départ très matinal le samedi matin pour attraper le TGV de 7h30.
Le voyage passe en un éclair et moins d’une heure plus tard, après avoir étrenné le tout nouveau tramway du Mans. Nous sommes face au circuit. L’entrée qui est face à la gare du tramway étant fermée, nous contournons le circuit pendant un quart d’heure avant de trouver l’entrée du camping… payante.
Après 15 minutes de négociations infructueuses pour avoir le droit de passer, nous finissons par nous résoudre à acheter des bracelets bleus qui ne nous servirons à rien d’autre qu’à accéder au village.
L’agacement de cette mésaventure laisse place à un immense moment de stress. Je m’aperçois que j’ai oublié mon chéquier. Je ne vais donc sans doute pas pouvoir récupérer les puces. Mon coéquipier, qui lui vient en voiture, est injoignable et nous allons donc probablement nous prendre un tour de pénalité alors qu’on s’est levé à 5h00 du matin pour éviter cela, décidément, tout va de traviole ce matin.
Mika rolloJe fais la queue une demi-heure aux cabanes d’inscription puis j’essaye de négocier. Je propose de laisser ma carte d’identité, de déposer la caution en liquide tout est refusée. Finalement, une responsable fini par accepter le dépôt en liquide… que je n’ai pas sur moi évidement. Il y a heureusement un distributeur sur le circuit qui, bizarrement, fonctionne parfaitement, et après avoir refait une demi-heure de queue, je finis par valider notre inscription, récupérer les 2 puces et… oublier le témoin !
Lorsque je m’en aperçois, les cabanes sont fermées, le stress de cette matinée n’est vraiment pas de bonne augure. Laurent, qui devait arriver vers midi, n’est toujours pas là quand s’ouvre l’accès aux paddocks.
Comme tout part à vaux l’eau nous décidons de prendre les choses avec philosophie et de se poser en regardant les autres s’affairer. Nous testons donc la nourriture locale, chère mais correcte et surtout servie par des gens charmants.

Entrée dans les paddocks

Cela fait maintenant une bonne demi-heure que les équipes investissent sans discontinuer les paddocks et je me décide à aller repérer notre box car depuis un moment je me demande si nous aurons la même place que les équipes de 10.
Lorsque j’arrive au box, il n’y a plus un seul emplacement de libre. J’essaie de rester détendu, j’ai 24 heures de roller devant moi il ne faut pas que je dilapide mon énergie en stress mais rien ne m’y aide.
Sophie trouve deux jeunes hommes en rose super sympas qui sont bien embêtés pour nous et m’expliquent que les duos qui sont dans des box le sont à leur demande pour être avec des équipes. Sauf que nous ne sommes rattachés à aucune équipe.
Après une nouvelle demi-heure de palabre, l’organisation nous indique la tente des duos où heureusement il reste de la place et où finalement nous serons super à l’aise et relativement tranquilles (pas de passage, peu de monde dans la tente).

Qualifications

Laurent arrive finalement avec tout le matériel. Il se présente aux qualifications qu’il tenait absolument à faire mais bien entendu rate le départ, pas grave.
Nous finissons par récupérer un relais puis je me prépare pour le départ. Je suis toujours un peu fébrile et assez stressé mais j’ai réussi à économiser mes forces en restant relativement zen.

C’est parti !

Je suis débout en chaussettes en bout de ligne, avec essentiellement des solos et des duos. L’ambiance est peu festive, tout le monde semble concentré et je suis extrêmement stressé.
Le cardiofréquencemètre m’indique des pointes à 105 battements par minute.
Puis le départ est donné, je chausse rapidement en prenant quand même soin de bien placer les secondes peaux. C’est parti pour une première série de 5 tours et pour la grande aventure.
Les deux dernières années je finissais mes tours épuisés mais je me souviens que je laissais beaucoup d’énergie dans la montée et dans le faux plat des stands. Je décide donc de monter tranquille et je me rends compte que je ne perds qu’une poignée de secondes, et surtout me permet de pousser avant la descente et de tourner sans avoir mal au dos.
Je roule tranquille, à l’allure des randos du vendredi soir en hiver. Puis après le ravito je me mets à l’abri d’un patineur qui m’emmène jusqu’au début des moquettes. Là, je me mets en allure balade et je regarde enfin mon chrono avec une pointe d’incrédulité. 10’40. Je m’attendais à tourner en 13 voire 14 et je fais un temps largement meilleur que l’an dernier à 10.
Ma femme me fait des grands signes pour me dire que je vais trop vite mais franchement je ne vois pas comment faire pour rouler plus doucement. Je repars donc tranquillement.
Le cardio indique 160 dans la montée, c’est donc que je monte encore trop vite. Je ralentis pour me mettre à la vitesse des solos et je pousse moins fort dans la petite remontée après la longue descente.
Je me mets à l’abri dès le début de la longue ligne droite qui mène au ravito et je boucle le tour en 10’28, ce qui n’est pas loin de mon record. Y’a pas à dire, avec 12 kilos de moins et des plus grosses roues… on roule plus vite !
Ce n’est pas le tout de le savoir, c’est bien aussi de s’en rendre compte.
Je boucle mes 5 tours en restant sur ce rythme, bien dans mes jambes, le cardio oscillant entre 150 dans les côtes et 130 sur le plat, finalement, on va peut-être les tenir ces 24 Heures.

Première pause

Je file au massage tout de suite après avoir fini car je sais qu’il n’y aura personne. Divin.
Laurent tourne plus lentement, j’ai encore une bonne demi-heure devant moi. Je décide de renoncer aux chaussettes de roller épaisses pour tenter de mettre une chevillère par-dessus les secondes peaux et une simple socquette de running, en renforçant les orteils avec de l’élastoplaste. Cela me prend 10 minutes pour tout installer mais ça les vaut.
Au final, ce petit rituel, de 10 minutes pour tout enlever et 10 minutes pour m’équiper sera très structurant et me permettra de réguler mes coupures et de m’aider à me concentrer.

On y retourne

C’est bientôt de nouveau à moi. Les tours s’enchaînent à un super rythme, beaucoup plus agréable qu’à 10 finalement.
Cette année, zéro prise de risque sur le physique, je passe donc 5 minutes sur la ZM (Zone moquette) à m’échauffer intégralement, des pieds à la tête.
Je repars pour 5 tours. Mêmes sensations que pour la première série, j’avale les tours avec facilité et régularité. Sans avoir à culpabiliser parce que je ne pousse pas dans les côtes, et en ne me préoccupant que de me sentir bien. Le roller pour le plaisir du roller, concentré sur mes sensations, essayant de trouver le meilleur rendement.
Je prends des trains que je lâche sans regrets lorsqu’ils poussent trop fort, je ne fais l’effort que lorsque j’entraîne des solos, sinon je me contente de me mettre à l’abri dans la longue ligne droite qui est face au vent, le reste du temps je patine seul, c’est enivrant.

Le rythme

Je finis ma série de 5 shooté aux endorphines. Je retourne me faire masser, je sais qu’après il y aura trop de monde alors j’en profite. Sophie m’annonce que je vais désormais partir pour 6 tours car Laurent n’a pas assez de temps pour se reposer à cause de mes temps qui sont plus bas que prévu.
Je repars donc pour 6 tours mais les premières traces de fatigues commencent à se faire sentir et le sixième tour est comme je l’avais imaginé, le tour de trop. Au-delà d’une heure, comme en course à pied, mon corps m’indique qu’il en a marre. Ma moyenne au tour a déjà baissé de 30 secondes, je sais que c’est là qu’il va falloir commencer à gérer.

Ravitaillement et cogitations

J’ai une bonne heure devant moi pour dîner. Nous nous prenons une vraie pause dans l’herbe, à côté des tentes.
Physiquement ça va bien, mais je commence à gamberger : et si on remontait au classement, et si on poussait un peu, et si… mais non, nous devons rester sur notre objectif, car aucun de nous ne sais s’il est physiquement capable de tenir ce rythme pendant encore 18 heures.
Je repars pour seulement 5 tours pour ne pas m’user trop avant ma longue série nocturne puis Laurent repars pour 6 tours pour me laisser le temps d’un long massage. Le kiné, aussi sympa et compétent que les deux premiers, m’étire les jambes et me masse longuement le dos.

Nuit venteuse et solitaire

00h45 : c’est parti pour 3 heures non stop. Les 5 premiers tours passent bien, je ne suis pas encore trop fatigué. Je m’arrête sur la ZM, je mange une orange car les trucs solides du type pâtes de fruits et céréales ne passent plus du tout. Je culpabilise : pendant que je suis en pause, personne ne roule contrairement à tout à l’heure.
Je m’impose de rester au repos 5 minutes puis je repars mais les jambes commencent à s’alourdir. Au bout de 4 tours, j’ai besoin à nouveau d’une pause, je remange une orange et je repars 4 minutes plus tard. J’essaye de ne pas penser au fait que ces deux pauses correspondent à un tour en moins au compteur.
5 tours plus tard je m’arrête à nouveau car il est l’heure du relais. Sauf que Laurent n’est pas là. Sophie me propose de repartir pour un tour mais le cerveau avait enregistré depuis longtemps que ce tour était le dernier et je n’ai pas le courage qu’il faut pour repartir, Laurent arrive à peine 5 minutes après, il n’a pratiquement pas dormi à cause du concert organisé sur la scène qui se situe juste derrière la tente des duos.
Je me dirige comme un zombie vers la tente. Je prends juste le temps de me mettre en pyjama et de boire puis je m’effondre comme un bébé dans mon sac de couchage, bouchons enfoncés dans les oreilles.

Au petit matin

Je me réveille comme une fleur deux heures et demie plus tard, parfaitement reposé. C’est la principale surprise de ces 24 Heures. Je n’ai pas des tonnes de temps devant moi et j’ai besoin de mes 10 minutes minimum pour protéger mes pieds et m’équiper.
Je me prépare donc un petit déj’ à l’arrache car mon accompagnatrice est hors d’état de nuire.
Je m’équipe pour le froid : collant et manche longue, pour ne pas être gêné par le petit vent du matin. Je me présente sur la ZM en pleine forme et je prends le relais pour 6 tours. Après un premier tour pépère pour me chauffer, un solo qui roule fort vient se caler derrière moi. Puis un autre. Comme j’ai la patate je décide de les emmener pour quelques tours. J’en profite pour exploser mon chrono personnel (qui était tout de même pas extraordinaire, restons modeste) en tournant à 10’17.
Finalement le petit train de solos finira par se choisir un lièvre plus rapide, c’est dire le niveau des solos cette année, ces garçons sont des machines…

Pas si mal placés

Laurent est à l’heure pour le relais, il a l’air un peu plus frais, je ne saurai jamais comment il a géré ses pauses, je ne l’ai finalement pas vu du week-end mais j’ai une telle confiance en lui que je ne me pose pas de questions, juste au moment du relais, le rituel « ça va toi ? » et son sourire comme réponse.
Je n’ai jamais douté qu’il était capable de finir. Je vois l’autre duo qui nous accompagne qui galère, et qui commence à enchaîner les pauses. Ils partent se faire masser à chaque rotation et ratent pratiquement tous les relais. Nous avons déjà presque 15 tours d’avance sur eux et Sophie m’annonce que nous sommes seizième duo. Moi qui espérais juste tenir 24 heures et ne pas finir dernier, voila que je peux accrocher la partie haute du tableau.

Nouveau passage au massage et restauration

Comme nous sommes maintenant repartis pour des séries de 5 tours, je décide de renoncer à faire la queue au massage. Il parait que les solos et duos peuvent y aller directement mais je ne suis pas à l’aise avec les passe-droits. Je me fais donc des pauses au resto-café du village, les jambes relevées sur une chaise avec une crêpe, ou un jus d’orange, bref un truc pas du tout diététique du sport mais total plaisir de l’estomac parce que quand même, je mérite bien une petite récompense 🙂 Laurent a trouvé son rythme, il roule comme un métronome avec des écarts de moins de 10 secondes sur ses tours.À fond les manettes dans la côte Dunlop

Grosse fatigue

Nous enchaînons les rotations sans incident mais je n’ai plus de jus pour pousser. Je monte la Dunlop à peine plus vite que les solos et je me laisse descendre sans pousser dans la première partie.
Le vent a enfin changé de côté et la seconde descente redevient donc plaisante mais la dernière ligne droite avant les ravitos m’est de plus en plus pénible si je ne m’abrite pas.
Je suis confronté à un nouveau problème. Comme je tourne beaucoup moins vite et que j’ai mal aux jambes, je ne peux plus accrocher les trains. Je suis obligé de me cacher derrière des patineurs moins rapides et souvent peu expérimentés. Plusieurs refusent que je les pousse car ils ont peur.
Je fais plusieurs tours seul face au vent et la lassitude commence à s’installer. Je me fais doubler par des solos, seuls, courageux, héroïques, mais comment font-ils ? J’ai un peu honte de m’abriter tout le temps mais je commence à être vraiment rincé et je ne veux pas me blesser ou tomber, je sens que je suis moins habile et plus fébrile, notamment dans le dernier virage à droite très serré.
Le dossard vert a du bon. Une patineuse qui a vu que je fatiguais m’attend un peu plus loin pour m’abriter et m’emmener, je lui dois ce tour là.

Ultime relais

Arrive mon dernier relais. Je suis sensé partir pour 5 tours mais je percute que le timing est impossible. Si je pars pour 5 tours, Laurent va devoir en faire au moins 6 ou 7 avant de passer l’arrivée. Je propose donc de fractionner et de faire 4 tours puis 2 ce qui s’avère une excellente chose car les 4 tours vont passer assez vite.
Je garde les patins aux pieds pendant la pause puis je repars pour les deux derniers tours. Je roule un peu plus fort pour grappiller des places parce que je n’ai plus besoin d’économiser mes forces et Sophie me hurle des encouragements lorsque j’attaque le der des ders.
Il me reste des forces, pas beaucoup mais assez pour pousser comme un tour à 10. Je monte un peu plus vite la Dunlop mais pas trop pour pas me cramer et je pousse comme un âne dans la descente puis je m’accroche pour chopper un train que je ne lâcherais plus.
Au ravito, je suis à moins de 9 minutes, je me vois déjà passer enfin en dessous de la barre symbolique des 10 minutes que je n’ai jamais franchie et je pousse avec ce qu’il me reste.
Il me reste à remonter les moquettes mais je sens bien que les jambes font ce qu’elles peuvent mais pas plus. Je jette tout ce qui reste dans les derniers mètres, percute quasiment Laurent au passage de relais et boucle finalement en 10’40 avec le même sourire qu’on peut voir des fois dans les images d’archives des gagnants du tour de France.
Laurent prend le dernier relais mais ne pousse pas car il ne veut pas d’un troisième tour, il passe la ligne une minute après la sonnerie des 24 heures.

Épilogue

On l’a fait ! On a tenu. 57 tours chacun. Seulement 31 minutes non roulées et une place de 14e qui nous place in-extremis dans la première moitié du classement.

Au moment de partir, je jette un dernier regard sur le circuit car comme chaque année, je sais que c’est la dernière fois que je fais le Mans…

© crédits photo : rollerenligne.com
NB ce récit a été initialement publié sur le site rollerenligne.com
Merci à Alphator de l’avoir publié, mis en page et illustré.