Balade bucolique à la 2T2M

Un trail improvisé qui en rappelle un autre

Logo 2T2M

J’ai bouclé il y a quelques semaines les 23 km de la première édition du Trail Tour du Massif Montmorencéen, le 2T2M pour les initiés, qui savent que les organisateurs de trails aiment bien trouver des noms trop longs pour les réduire ensuite à des acronymes trop courts. Et ce n’est pas récent puisqu’il y a une quinzaine d’années, déjà, se courrait de l’autre côté de l’Île-de-France un trail assez similaire qui s’appelait le Trail de la Valée de Chevreuse, réduit à un minimaliste TVC. J’aurai d’ailleurs l’occasion de reparler de cette course à la fin de cet article pour ceux d’entre-vous qui auront eu le courage de me lire jusqu’au bout.

Je prends donc le départ de la version 20 km qui en mesure en fait 23. Les organisateurs annonçant par ailleurs 820 mètres de dénivelé, ce qui est légèrement exagéré. C’est une autre tradition un peu désuète qui date de l’époque où les tracés des trails se préparaient sur une carte IGN papier et où  le dénivelé se calculait à la louche. On ne savait jamais vraiment combien de km ni combien de D+ on allait prendre et ça permettait de se démarquer des courses sur route. À l’heure où l’immense majorité des coureurs porte au poignet une montre à 9000 brouzzoufs, qui en titane, qui avec un verre en saphir et embarquant des altimètres barométriques d’une précision sidérante, c’est un peu ridicule mais la sous-estimation du kilométrage et la surestimation du D+ restent la norme.

Pour être honnête, je ne me suis pas spécifiquement entrainé pour ce trail sur lequel je me suis inscrit sur un coup de tête et j’ai encore dans les pattes les 31,3 km de l’écotrail de Paris 30 km qui m’ont bien mis à genoux 15 jours avant mais je suis content d’être là et je ne regrette pas du tout d’avoir décidé de tenter cette première édition, d’autant que le bon Dieu de la météo est de la fête.

Mikl 2T2M

C’est parti

Le départ est donné et je sens assez vite que ce n’est pas encore aujourd’hui que je vais faire péter le chronomètre. Je pars donc prudemment, trop, et m’installe dans un rythme très lent et trop confortable qui m’empêchent de me sentir vraiment en course. Les gens qui m’entourent ne sont pas là pour se bagarrer non plus, ça relance peu après les innombrables montées et ça papote plus que ça ne serre les dents. Les conditions sont parfaites, il fait un temps magnifique, le sol est sec et pas boueux du tout et l’ambiance est franchement décontractée. Et du coup, je flâne. Parti dans le milieu du peloton, je me fais beaucoup doubler et j’estime que je suis désormais très loin du milieu de course et qu’il ne doit plus rester grand monde derrière moi.

Je n’ai pas les jambes pour courir ce matin mais j’ai assez de jus pour doubler dans les montées en marchant fort. Et en relançant juste un chouia avant les autres, j’arrive à distancer le petit groupe avec lequel j’évolue depuis le début. Montée après montée, j’arrive à regagner 3 ou 4 places à chaque fois et à m’éloigner ainsi du fond du classement. Arrivé au ravito du 13e km, j’aperçois une bonne quinzaine de coureurs qui s’attardent devant le saucisson.

Je bois rapidement un verre de coca, récupère un quartier d’orange et repars aussitôt, les laissant tous derrière moi et reprenant de facto une grosse quinzaine de places. J’y aurai mis le temps mais ça-y-est, me voilà enfin en course. Sans jambe, sans ambition, mais avec la banane et l’envie d’en découdre. Un peu.

Un tout petit peu même parce que j’ai déjà pas loin d’1h30 de course et 400 mètres de D+ dans les cannes et le fait d’accélérer, même subrepticement, transforme la petite virée bucolique en quelque chose de bien plus inconfortable. Mais bon, il reste moins de 10 km, le gros du dénivelé est derrière moi, je n’ai ni trop chaud ni trop froid, pas de crampes et pas de sentiment d’épuisement comme ça arrive parfois quand je suis mal préparé. Alors go !

Arrivé à ce stade de la course, tous ceux qui en sont capables m’ont déjà doublé. Et les autres sont loin devant. Je me retrouve donc totalement seul avec désormais l’obligation de me concentrer sur le balisage pour ne pas me planter de chemin dans ce labyrinthe de sentiers qui se croisent et s’entremêlent.

J’arrive à rattraper une coureuse isolée très sympa – qui a elle aussi l’écotrail dans les jambes – et ensemble nous reprenons quelques fatigués. Je la décroche dans une montée particulièrement cassante puis je joue au chat et à la souris avec deux jeunes coureuses que je double très facilement à chaque montée et qui me reprennent sans effort sur le plat, puis je les repasse dans les descentes qu’elles dévalent avec prudence et elles me repassent devant sans une goutte de sueur dès que ça redevient roulant. Inlassablement. Nous reprenons une grappe de 10 coureurs à la fin de la dernière bosse qui sont complétement rincés puis les deux minettes me mettent 50 mètres dans la vue (je ne les reverrai jamais). Il me reste 1 km de plat à serrer les dents, je n’ai plus personne en vue ni devant ni derrière à part un coureur qui semble trop loin pour que je le reprenne. J’essaye quand même des fois qu’il craque. Et il craque. Il monte le dernier escalier en marchant sans conviction et j’arrive à son niveau au moment où il se remet à trotter. J’accélère et le passe à 2 mètres de la ligne d’arrivée parce qu’une place de prise est une place de prise. C’est puéril mais j’adore faire ça.

Vola, c’est terminé, 2h43. La montre indique 780 mètres de D+ et mes cuisses confirment ce chiffre sans discuter. L’orga est parfaite et propose un plateau repas très correct avec des tables au soleil, trop bien.

Puis le résultat tombe dans l’après-midi. Je suis 156e sur 245 arrivants à plus de 8 minutes du milieu de course. J’avais secrètement espéré être un peu mieux classé, mais j’ai vraiment trop traîné par moment avec notamment un gros coup de mou au 19e avec un km parcouru en plus de 9 minutes. 

Ce résultat néanmoins dit des choses sur le coureur vieillissant que je suis en train de devenir. Je cours bien plus vite et bien plus longtemps qu’à mes débuts et je finis mes courses en bien meilleur état mais après avoir passé une décennie à essayer de m’extraire du fond des classements, maintenant que je suis devenu un coureur moyen avec des résultats moyens, je me surprends à m’en satisfaire. J’assume désormais mon absence d’envie de me taper dedans et si je m’entraîne plus, et mieux, c’est uniquement pour pouvoir encaisser mes courses avec plus de confort. Je ne cherche plus vraiment à courir plus vite même si au final, tous les vieux records tombent les uns après les autres. Et surtout, je n’ai aucune envie d’allonger les distances. J’ai trouvé le format de course parfait et j’y prends désormais presque toujours un immense plaisir, souffrant juste assez pour me sentir vivant mais finissant suffisamment frais pour avoir envie de recommencer.

Il y a 13 ans presque jour pour jour, j’avais couru le fameux TVC évoqué au début de ce billet. J’en garde un assez mauvais souvenir, ce trail m’avait éloigné du trail pour plusieurs années. C’est sur ce trail que j’ai découvert à mes dépens, qu’un trail de 20 km pouvait en faire 23. J’avais mis presque 3h30 pour en venir à bout et j’avais fini à l’agonie. Alors que là, je n’ai qu’une envie, c’est d’en recourir un autre.

Alors, vite, un autre 🙂