Courses d’automne à Paris

On savait que ça serait dur, ça a été pire.

Voila, nous y sommes. Enfin. Paris-Versailles cru 2014. La course de tous les superlatifs, la plus belle course parisienne et celle où généralement je réalise mes meilleures performances. Distance idéale, format idéal, j’adore cette course. J’ai dû renoncer aux deux dernières éditions depuis que j’ai repris sérieusement la plongée, car je suis souvent en vadrouille à cette période. Mais là non, tout est parfait et en plus il va faire beau (il fait toujours beau quand je cours le Paris-Versailles).

bandeau Paris-Versailles

J’en avais donc fait mon objectif numéro un. Sauf que.

Généralement en août, je cours pas mal mais cet été, non. Des coups de flemme, beaucoup de plongée (course à pied et plongée sont incompatibles) un climat exécrable à Paris et nous voila déjà en septembre avec à peu près zéro kilomètre dans les pattes. Et puis surtout, comme mon épaule me fait moins mal, j’ai décidé de me remettre très sérieusement au vovinam avec comme objectif de passer mon premier dang en juin. Le vovinam m’a trop manqué pendant les quelques mois de repos forcé. J’ai pris du poids, perdu de la souplesse, de l’explosivité. Je me suis encrassé. Mais il faut aussi me rendre à l’évidence, depuis que j’ai changé de travail, concilier boulot, vie de famille, course à pied, roller et vovinam n’est plus possible.

Dans la première version de cet article, j’avais ouvert une parenthèse misérabiliste sur mon triste sort de fonctionnaire territorial débordé et sous-payé mais ce blog doit rester exempt de tout sujet sérieux. Vous devrez donc vous contenter de mes déboires sportivo-compétito-comico-masochosistes.

Il n’en reste pas moins que courir est devenu compliqué. Et m’entraîner 3 fois par semaine comme il le faudrait est désormais quasiment impossible. Alors les semaines passent et j’arrive ce matin sur la ligne de départ dans un état de méforme spectaculaire. La veille de la course, pris de remords, j’étais parti faire une balade à vélo en pensant que cela eut pu rattraper un peu tous les entraînements passés à la trappe. Sans trop y croire. Cela ne fit d’ailleurs qu’ajouter de la fatigue à la fatigue et après une nuit bien pourrie, je me lève le dimanche avec un manque d’enthousiasme tout à fait prémonitoire et un mal de crâne carabiné. Tutto va bene.

Je mets une éternité à me préparer, hésitant à prendre des médocs car je ne déteste rien, plus que cette épouvantable habitude qu’ont les sportifs, quel que soit leur niveau, de s’envoyer des cachetons, quels qu’ils soient, avant une compétition.

Je suis à la bourre, je cours dans le métro, j’arrive au Troca à 9h55, me faufile grâce à mon dossard magique et vient me placer à quelques mètres des Kényans qui ont clairement l’air en meilleur forme que moi. Je n’ai pas trop eu le temps de réfléchir à mes objectifs (j’aurais peut-être dû). Mon record est de 1h25 mais j’avais fait ça quand je préparais mon marathon. À l’époque je courrais 50 km par semaine et je me faisais des sorties dominicales de 2h30. Et puis j’ai vieilli. J’ai pris 10 ans en deux ans et je suis constamment blessé. Je décide donc de partir sur une base de moins d’1h30, ce qui serait déjà pas trop mal. Miraculeux même vu l’état dans lequel je suis.

C’est parti !

Le départ est donné, je pars trop vite. Beaucoup trop vite. J’essaye de réguler ma vitesse mais je me laisse embarquer par l’euphorie du départ et au bout de deux kilomètres, je suis cramé. Irrémédiablement.

Mon mal de crane a empiré. Mon estomac, qui normalement est en kevlar, est complètement retourné. J’ai les jambes qui tremblent. Au troisième kilomètre, je décide d’abandonner. Au quatrième je change d’avis.

La côte est tout près et j’adore grimper. Je me laisse le temps de la côte. Je grimpe. Ça passe. J’arrive en haut fatigué mais capable de continuer. Le problème, c’est la fatigue. Je suis littéralement épuisé. Vidé. Le terme est le bon, je sens un immense vide en moi. Vide d’énergie, vide d’envie. La descente que j’aime tant et où j’avais remonté des centaines de coureurs en 2012 n’y fait rien.

Vincent, parti une demi-heure après moi me double à la vitesse de l’éclair et me fait remarquer à juste titre que je me traine. C’est indéniable, je me traine. Comme une âme en peine.

You know what ?Et ça n’ira jamais vraiment mieux. J’arrive à Meudon en mode zombi et trottine mollement jusqu’à la dernière montée qui me sera fatale. En haut de l’ultime côte, c’est l’hécatombe. La chaussée et les trottoirs sont transformés en véritable champ de bataille. Il y a des secouristes attroupés autour de coureurs pris de malaises à tous les coins de rue. Un carnage. Il fait une chaleur épouvantable (y’a plus de saison ma bonne dame).

Je ralentis encore, je n’ai pas envie de grossir les rangs des éclopés. J’arrive enfin à Versailles. C’est long, c’est chiant et sans objectif à atteindre, c’est très peu motivant. Je fais un peu le clown devant les photographes et comme toutes les bonnes choses ont une fin, je franchis poussivement et sans joie la ligne en 1h34, à près de 9 minutes de mon meilleurs temps.

resultats Paris-Versailles

Voila.
Disons que celle-là, on va l’oublier vite…

Chapitre 2 : vous en reprendrez bien une petite louche ?

15 jours plus tard, me voila donc à nouveau en chemin pour le Trocadéro en pas tellement meilleur état que 15 jours plus tôt et pour cause. Deux petites semaines seulement et un week-end séparent les deux événements et je n’ai pu, au cours de ces deux semaines, courir qu’une seule fois, mal, le surlendemain du Paris-Versailles, pour constater encore un peu plus, si besoin était, à quel point je ne suis pas en forme en ce moment.

20 km de Paris

Le samedi d’entre deux, je pars plonger avec mon club parisien. Je dors beaucoup, somnole pas mal, passe des heures à lambiner au soleil en essayant de me requinquer un peu. Nous plongeons peu profond et en partie au nitrox, un mélange sur-oxygéné qui réduit la saturation en azote et diminue la fatigue. Je me retape donc, mais je ne m’entraîne pas pour autant.

De retour à Paris, la folie du quotidien reprend ses droits, journées interminables, réunions en pagaille, entrainements de vovinam…

Tutto va beneJe me présente donc dimanche sur la ligne de départ, un peu moins fatigué qu’il y a 15 jours mais physiquement incapable, sauf miracle, de tenir un effort d’endurance pendant près de deux heures. Je ferai donc du mieux que je peux mais le cœur n’y est pas.

Arrivé sur place, bonne surprise, cette année, c’est enfin bien organisé. J’ai un dossard partenaire, qui me permet d’accéder en 3 secondes au sas préférentiel.

Le départ est donné, j’ai prévu de courir en 5’30 au kilomètre. À 11km/h, je suis sensé pouvoir tenir. L’an dernier, j’y étais allé en footing en 1h53, l’objectif est donc de ne pas faire pire. Les trois premiers kilomètres passent comme un charme mais je sais déjà que tout ira mal dans quelques temps car j’ai les jambes des mauvais jours. Normalement à cette vitesse, je suis censé courir au moins une heure avant de commencer à sentir le début d’une trace de fatigue et là, en moins de 20 minutes, j’ai déjà les jambes lourdes. Je n’accélère donc pas dans les faux plats descendants et je déroule mes petites foulées. Les kilomètres défilent sans difficulté avec une régularité de métronome, 5’30, 11’, 16’30…Au 5e kilomètre, je passe en 27’33, seulement 3 secondes de décalage.

Les 5 kilomètres suivants sont plus difficiles, essentiellement constitués de faux plats montant interminables. J’y laisse quelques plumes et passe les 10 km en 55’50.

Puis arrive la remontée des quais vers Paris. 12e kilomètre, vent de face. Je suis envahi d’une immense fatigue. C’est le trou noir, je n’ai pas ressenti ça depuis mon mur au marathon il y a quelques années. Je suis exténué et j’ai horriblement mal aux jambes. Ma respiration est très difficile, impossible de faire un pas de plus. Je cherche au fond de moi le courage de ne pas abandonner et je m’impose d’aller jusqu’au ravito du 15e avant de prendre la décision d’arrêter. Je marche plus que je cours. Le ravito est là, je me re-sucre tant que je peux, plusieurs quartiers d’orange, de l’eau mais rien n’y fait, je suis épuisé.

Le bonheur si je veuxCependant, m’imaginer rentrant penaud à la casa, sans médaille, sans mon petit sac de victuailles et sans avoir été au bout m’est impossible. Inconcevable. Je trotte, puis je cours. Un peu. Ma montre indique 1h25. J’ai perdu 1km/h de vitesse. 1h50 est désormais impossible, battre mon record également. Je me fixe sans enthousiasme un nouvel objectif : finir en courant, en moins de deux heures. Deux types un peu trapus, âgés, mal fagotés, arrivent à mon niveau et discutent en respirant fort  : « je me suis promis le moins de 2 heures pour mes 70 ans ». Il a bien l’air d’avoir largement 70 ans mais il court vachement plus vite que moi. Il a dû s’entraîner un peu me dis-je comme pour m’excuser d’être à ce point mauvais. Les kilomètres défilent à nouveau mais plus lentement. Je connais le parcours par cœur, ça m’aide à avancer. Je sais que le plus dur est derrière moi et qu’à moins de m’arrêter, je ne dépasserai pas les deux heures. Maigre consolation. L’arche, est enfin visible. Je ne fais aucun effort pour sourire aux photographes, je n’accélère même pas par crainte de m’effondrer avant d’avoir passé la ligne et je finis par en finir en réalisant mon plus mauvais chrono sur la distance.

Je viens en l’espace de 15 jours de signer les deux pires performances de ces 8 dernières années. Désespérant ! Logique, mais déprimant.

Résultats

Mais alors, me demanderez-vous, quel est l’intérêt ?

Aucun !

Y aller dans ces conditions ne rime à rien. Et pourtant, j’y retourne. Parce que malgré tout ce que je peux en dire, j’adore ça 😀