Balade automnale en terres châtelaines
Lorsque l’on tape « plus belles courses de France » dans Google, on ne tarde pas à trouver des pages de forums qui recensent les « belles à faire » et autres « immanquables ». Il n’y a pas de vrai consensus mais tout de même, certaines courses reviennent assez régulièrement dans les top 10 et parmi elles, la R4C qui est régulièrement citée comme la plus belle course d’Île de France.
Un petit tour sur le site Internet de l’événement m’apprend que les inscriptions seront ouvertes le 15 septembre et qu’il faudra se dépêcher de s’inscrire. Je préviens la bande qu’il ne faudra pas traîner et le jour dit, je suis sur les rangs pour obtenir un des 2700 dossards disponibles. Il fallait aller vite, à 18h, la course est complète et nous ne sommes finalement que deux à être inscrits. Youpi quand même, ça faisait un moment que j’avais envie de la faire celle-ci !
Deux mois plus tard, l’enthousiasme de la rentrée a laissé place à une certaine morosité. Les plus assidus d’entre vous se souviennent sans doute que les deux dernières courses auxquelles j’ai participé se sont transformées, faute d’entrainement, en véritables chemins de croix. Et chaque jour qui passe m’éloignant inexorablement de mes plus belles années, les choses ne vont pas en s’arrangeant. À ma méforme grandissante, s’ajoute une difficulté chronique à trouver du temps pour m’entraîner. D’autant qu’il semblerait qu’une forme de malédiction se soit abattue sur les 6 km² dont j’ai la charge. Au rythme auquel les emmerdements s’enchaînent, je vais bientôt pouvoir écrire une anthologie du pire de ce que peut avoir à affronter un cadre de l’animation dans l’exercice de son sacerdoce.
Si j’ajoute à cela un début de gastro la veille du week-end et un combat contre l’embonpoint définitivement perdu, vous voyez là se dessiner le tableau d’une énième contre-performance annoncée et vous avez totalement… tort 😛
Car figurez-vous que contre toute attente, la fête fut plus que belle et que j’en garderai probablement longtemps un excellent souvenir.
7h15 Gare du Nord, Slim et moi entrons dans le RER désert qui doit nous mener dans la vallée de Chevreuse. Il fait un froid de gueux malgré la météo optimiste et une brume matinale glaciale et humide s’insinue partout. Nous débarquons au petit matin à Dampierre-en-Yvelines en nous demandant quelle mouche a bien pu nous piquer. Nous avons prévu une heure de marge mais tout est tellement merveilleusement organisé qu’en deux coups de cuillère à pot nous voila dans la navette puis au gymnase, dossard empoché en moins de 5 minutes, prêts à affronter la course.
J’ai prévu un simple tee-shirt mais il est impossible de croire qu’il va faire plus de 10 degrés tant on se caille les miches. Nous décidons donc de rester le plus longtemps possible au gymnase où nous somnolons jusqu’à l’heure du départ. Lorsqu’à 9h30 nous arrivons dans le centre de Dampierre, la brume s’est pourtant bien levée et il fait effectivement beau et doux. Je suis en pleine forme, j’ai envie de courir mais aucune intention de souffrir. Slim qui n’est pas en tellement meilleur état a décidé de courir avec moi. J’estime qu’il peut tenir 10 minutes avant de craquer et de s’enfuir en courant. Nous nous plaçons en queue de peloton sans trop se soucier de savoir si cela va nous faire perdre du temps, le chrono n’étant ici, en aucun cas un enjeu.
Slim et moi ne jouons pas dans la même catégorie. Quand il est en forme, il peut me mettre facilement 1 minute au kilomètre dans la vue. C’est beaucoup. Il insiste quand même pour m’accompagner mais d’autres avant lui ont essayé et ils ont tous fini par craquer. Au bout de 10 minutes, comme prévu, je l’enjoins de me lâcher et de faire sa course. Je le vois s’enfuir à une vitesse que je n’atteindrai jamais et monte un peu la cadence pour me caler à 11km/h. Partis derniers, nous avons eu un mal de chien à nous faufiler pour remonter le cortège et après un bon quart d’heure, j’ai réussi à reprendre une cinquantaine de coureurs. Je suis malheureusement contraint de m’arrêter car ma vessie n’a pas supporté les violents changements de température.
Planté comme un âne devant mon arbre, je vois défiler les coureurs. C’est interminable. Tout est à recommencer. Alors je recommence. J’ai les jambes qui répondent, le souffle qui suit et malgré les innombrables changements de rythme, je parviens à doubler continuellement reprenant un par un des dizaines et des dizaines de coureurs.
Le parcours est varié, l’ambiance champêtre, rythmée par les coups de fusils et les cors de chasse….
Par contre c’est désespérément plat. À chaque petite butte je profite du dénivelé pour remonter une bonne dizaine de coureurs mais ce n’est ni assez long, ni assez technique, ni assez pentu pour que je puisse réellement décourager mes prédécesseurs et même si je parviens à laisser sur place quelques chaudières, je suis repris par la moitié des bonhommes que j’ai doublés dès que ça redevient à peu près plat.
Les châteaux défilent, les parcs se succèdent et je me surprends à faire du tourisme, à ralentir pour observer les paysages sublimes de la vallée. Toutes ces couleurs d’automne, ce ciel radieux, ces sentiers forestiers débouchant sur des parcs privés parfaitement entretenus, c’est franchement sympa. Le chemin est parfaitement balisé, le terrain est juste assez boueux pour être rigolo sans que ça présente de réelles difficultés.C’est juste bien et je n’ai pas du tout envie de transformer cette sympathique rando trottée en course à l’échalote. Alors je trottine, tranquille, sans me soucier de savoir si je suis rapide ou non, en communion avec la nature. Rien de mystique, juste le plaisir simple de gambader dans les bois et de me sentir vivant.
Je double, encore et encore, je rattrape des grappes entières de coureurs, prenant les descentes à tout berzingue. Bizarrement, les jambes continuent à répondre. Je crois que la semaine de la Toussaint passée à courir presque tous les jours et à entasser des kilomètres a laissé de bonnes fibres.
Il reste 3 km et je commence à sentir des débuts de crampes et d’ampoules. Le manque d’entraînement est quand même perceptible. Normalement sur un 17 kilomètres plat, il n’y a aucune raison que je sois en difficulté. Je ne m’arrête pas, je maintiens mon rythme mais il y a des passages impossibles à négocier en courant, quelques lacets boueux bien casse-gueules notamment et une descente assez facile mais qui fait peur à ces dames qui provoquent un petit bouchon casse-rythme et casse-pattes.
Le dernier kilomètre est décevant. Faux plat montant sur goudron. J’ai un peu mal aux cannes et je ne peux malheureusement faire cette dernière partie à fond. Du coup, une dizaine de coureurs me reprennent et je ne parviens pas à rejoindre le petit groupe que j’ai laissé filer quelques instants plus tôt. J’accélère un petit peu quand même et finis en 1h41, à un peu plus de 10 minutes de Slim qui m’attend tout sourire sur la ligne d’arrivée.
Je finis 1572e sur environ 1822 coureurs hommes (les femmes étant classées à part). J’ai réussi à remonter 250 coureurs. Un peu plus du double si je compte les femmes parties dix minutes plus tôt. Vu ce que j’en attendais, c’est plus que satisfaisant et très motivant.
L’année prochaine, les places partiront sans doute encore plus vite mais une chose est certaine, je serai sur les rangs.
© crédit photo : Slim, Château de Breteuil
© illustrations : Matthieu Forichon – des bosses et des bulles – Tous droits réservés