Trail blanc des Vosges bis

On prend (presque) les mêmes… et on recommence

Il y a tout juste un an, nous quittions Rouge-Gazon fourbus mais contents, assez décidés à remettre ça l’année suivante. Il ne m’aura donc pas fallu longtemps pour convaincre la fine équipe de de remettre le couvert.

panoramaEn deux temps, trois mouvements, la chambre est réservée, les arrhes envoyés et il ne reste plus qu’à surveiller les dates d’ouverture des inscriptions. Première déconvenue, cette année, pas de petite course. La nocturne du samedi soir est maintenue inchangée, le trail court de 17 km du dimanche également mais le trail découverte est supprimé. Yann et Thomas qui étaient chauds pour m’accompagner sur le nocturne et faire le petit circuit le lendemain se retrouvent un peu coincés. Je parviens à les convaincre de faire le 17 km mais du coup ils renoncent au trail nocturne que je vais donc à nouveau courir tout seul 🙁

RaquettesÀ j-5, Slim nous plante pour cause de genou en vrac. J’accueille la nouvelle avec une sorte d’indifférence blasée qui me surprend moi-même. Pas question de chercher un coureur pour le remplacer, j’ai assez joué à cela pour les 24 heures du Mans roller l’an dernier.

C’est donc ma chère et tendre qui prend la place vacante sur le siège passager et nous voilà en route pour les sommets enneigés. Le samedi matin, il fait un temps magnifique. 10 minutes. Il a beaucoup neigé, les pistes de ski sont toutes ouvertes mais nous avons opté, cette année, pour la balade en raquettes. Sophie et moi partons en éclaireurs pendant que le reste de la team se rendort mollement. Le temps vire à peu près immédiatement et il se remet à neiger continuellement. Le vent, le froid et le brouillard viennent compléter le tableau météo mais la balade est belle et la tartiflette au munster très correcte. Nous repartons l’après-midi, tous ensemble cette fois, pour une balade très sympa mais un peu courte, forcés que nous sommes de rentrer pour que je puisse prendre le départ du trail nocturne.

Le mini trail nocturne

nuitL’an dernier, le 6 km nocturne n’en faisait que 4,4 et j’avais mis 41 minutes pour en finir. Cette année, il en fera peut-être 5, peut-être moins, difficile de faire un pronostic avec des conditions climatiques aussi merdiques, les organisateurs devant s’adapter continuellement. Point de belle lumière bleutée comme l’an dernier mais un noir opaque, un vent glacé et de gros flocons.
À ces aléas météorologiques qui ne sont de la faute de personne, s’ajoutent une organisation de course assez consternante. Un organisateur s’époumone dans un mégaphone dont la portée doit être d’à peu près 50 cm. On ne saura jamais pourquoi il n’a pas utilisé, pour faire son briefing, la sono de l’animation hyper puissante, qu’on entend depuis Épinal. C’est inaudible mais je comprends quand même qu’il nous demande de reculer et de nous placer derrière l’arche. En bon élève discipliné, j’embrasse mon épouse et m’exécute. Pas les autres. Je me retrouve seul en queue de peloton, au milieu des flammèches du brasero, projetées en tous sens par les rafales de vent. Les minutes passent. L’arche s’effondre. ça promet, me dis-je.

Finalement, nous ne partons qu’avec quelques minutes de retard, dans l’inconnu, dans la poudreuse et dans le froid avec, pour ce qui me concerne, une motivation assez relative et quelques inquiétudes. Mais finalement, c’est pas si pire. Après un premier kilomètre d’une extrême difficulté dans un mètre de peuf, nous voilà en train d’attaquer dans le vif de la pente. Les premiers, des genres de surhommes suréquipés, survitaminés, surentraînés et clairement meilleurs que Bibi, ont fait la trace et je n’ai qu’à mettre mes pieds dans les escaliers qu’ils ont laissés derrière eux.nuit

Comme l’an dernier, mes gros cuissots font la différence, je double, continuellement. Je remonte des files entières de marcheurs. Cette course est finalement vraiment plaisante et je m’y sens de mieux en mieux. Dans les descentes, j’ai assez de jus pour envoyer et si je ne double pas, je ne me fais pas reprendre pour autant. La deuxième très longue montée me permet de reprendre encore une bonne cinquantaine de coureurs.

Mais voilà, c’est déjà fini. Dommage, j’ai des jambes pour encore deux ou trois fois ça. Deux côtes comme celle-là et je pouvais me hisser dans la première moitié du classement. Il reste un peu de plat avant la ligne. L’an dernier, j’étais une vraie loque au moment de repasser devant le chalet. Là, pas question de me laisser doubler, j’accélère, reprends un petit groupe de 5 coureurs, bouscule une dame âgée, lui cède le passage pour m’excuser et passe la ligne juste derrière elle en 1h05. Ma montre ayant calé à mi-parcours, je ne saurais sans doute jamais combien de km et combien de dénivelé faisait cette course mais je me classe à peu près comme l’an dernier, pas très loin du milieu de course mais quand même en dessous : 269e sur 464 finishers. Rageant.

S’en suit une horripilante soirée accordéon, karaoké & orgue Bontempi dans la salle de l’hôtel où nous sommes pris en otage par une demi-pension médiocre. Lorsque la salle reprend en cœur « le petit bonhomme en mousse », un sentiment d’hébétement et la certitude d’avoir touché le fond nous envahit. Nous savons à cet instant précis que c’est notre dernière participation à cette grand fête vosgienne de la course à pied de montagne.

Le trail blanc

trio de chocLe lendemain matin, la météo s’est encore aggravée. Il a neigé toute la nuit, il fait un froid épouvantable et un vent glacé vient tout aggraver. L’accès à la station est très difficile. Les « ça passe sans les chaînes » bloquent le passage et retardent tous les autres. L’ambiance s’en ressent. L’association organisatrice à été gourmande. La demande étant forte, le nombre de dossards a explosé et ça ne passe pas. Il y a trop de monde, nous parvenons à peine sortir de l’hôtel, des coureurs confondent le petit déjeuner de l’organisation avec le buffet de l’hôtel, ça se bouscule et l’ambiance est électrique au départ.

10h30, 10h40, il gèle et nous trépignons. Puis le départ est enfin sifflé. On attaque cash par une montée dans la poudreuse. En plus d’être épuisante, la montée se transforme assez vite en match de rugby. Ça bouscule, ça joue des coudes, ça percute sans ménagement. Arrivés sur le chemin de raquette, nous ne pouvons que constater que la neige n’est pas du tout damée. C’est impraticable. Je n’ai rien dans les jambes ce matin, j’ai tout donné hier. En 5 minutes, tout le peloton, Tom et Yann compris, me passe dessus. Et puis j’ai froid. Comme ça ne m’arrive pratiquement jamais, lorsque je caille, je suis désemparé. Le terrain est pourri, les conditions pourries, l’ambiance merdique et je dois bien me rendre à l’évidence : il n’y a rien à espérer de cette course ni aucun plaisir à prendre. Je me résigne donc à abandonner.

DépartDes dizaines de coureurs ont déjà arrêté de courir et discutent pour savoir s’ils doivent rebrousser chemin ou pas. J’hésite. Partir en sens inverse et regarder en face ceux qui continuent ? inconcevable. Partir seul dans la montagne ? brrr. Autant suivre tranquillement le peloton car je sais qu’on repasse dans la station à mi-parcours.

Je repars donc mais le moindre pas me pompe une énergie folle. Puis, peu à peu, la course s’arrête et une interminable file indienne se forme sur la tranchée que les 1000 coureurs précédents ont damée. Une monotrace de 30 centimètres de large que nous allons suivre, pendant 2h35.
Voilà, ce ne fut pas une course mais une longue, une interminable, une glaciale transhumance. Quelques foulées dans les descentes, quelques tentatives de courses pour dépasser les plus épuisés mais sinon rien. Les rares courageux qui tentent de sortir de la trace s’épuisent dans la poudreuse et comme courir ou marcher revient au même, nous marchons, lentement, collés les uns derrière les autres.

trailer dans le froidLorsque nous sortons de la forêt, je suis pris de frissons. Je ne parviens plus à me réchauffer. Des coureurs sortent leurs couvertures de survie, cette sortie n’a aucun sens. Je sors ma veste Gore-Tex de secours et rétracte mes doigts devenus douloureux à cause du froid. Des boules de glace se sont formées sur mes chaussures. Je suis transis et pour la première fois en 8 ans de course à pied, je suis inquiet.

Courir, je ne demande que ça. Pouvoir courir, même un peu. J’arrive enfin au ravito… qui fait peine à voir. Je prends juste quelques fruits secs et observe les files de coureurs qui se croisent quasiment. Même si j’ai bien conscience du fait que les organisateurs doivent s’adapter aux conditions du jour, ce parcours ne ressemble à rien. Yann verra même des coureurs changer de file et gratter ainsi une boucle complète. Abandonner oui, mais tricher… franchement.

Je quitte le dépotoir qui fait office de ravito et je commence à chercher un moyen de couper pour rejoindre la station.  C’est inutile car nous voila sur le chemin qui y mène directement. J’arrive à Rouge-Gazon plage en ayant parcouru 10,5 km en 2h10. Normal. Je marche vers Sophie en lui faisant signe que j’abandonne. Je ne ferai pas 5 km de plus (l’orga à annoncé en début de course que le parcours de 17 km était réduit à 15 pour des raisons de sécurité). Sauf qu’en fait, il n’en fait plus que 12,8 et j’en suis non pas à la moitié mais pratiquement à la fin. Elle me hurle « deux kilomètres et c’est fini » et je sens dans son regard que l’abandon n’est pas une option. Alors quoi ? hé ben j’y retourne, comme un gland.

compoteLa grosse montée dans le poudre est néanmoins plaisante. Enfin un peu de place. Je profite des traces et prends l’extérieur. Je pousse sur les cuisses et remonte une trentaine de coureurs. Contre toute attente, la suite sera finalement assez sympa. Le chemin est à peu près damé et il y a un peu de place pour doubler. Je me re sucre rapidement en ingurgitant une compote ; aux fraises, bio, une vraie merveille 😉 ; mais je me retrouve assez vite embarrassé par la gourde vide que je décide de coincer dans l’élastique de mon collant. Au bout de 10 mètres, la gourde se barre le long de ma jambe et je passe les deux kilomètres suivants à essayer de la caser, là où les bords repliés ne me piqueront pas. La compote, en trail, c’est, comment dire… Mais passons, les deux kilomètres sont avalés en un éclair et je me paye même le luxe d’une petite pointe à l’arrivée.

Yann termine à la 803e place en 2h27, Tom est 855e en 2h28 et moi, bon dernier, 1092e sur 1207 en 2h35. La grande classe.

Voila, ça c’est fait ! Nous sommes de retour à Paris, mes petits camarades se retapent tranquillement et moi je suis déjà passé à autre chose car ce qui m’attend maintenant est d’un autre acabit. Il me reste en effet 4 mois pour ingurgiter le très indigeste programme de la ceinture jaune de vovinam et pas beaucoup plus pour préparer ma course en duo aux 24 heures du Mans roller. Vivement dimanche 😀

© crédit photo : Sophie  YC – Courir pour de légendes (organisation)   Tous droits réservés
© illustrations : Matthieu Forichon – des bosses et des bulles – Tous droits réservés