Alors là les amis, ça faisait un paquet de temps que je ne m’étais pas autant amusé en faisant un truc sportif avec mes pieds (et un peu tout le reste du corps en fait). Le triathlon, ça fait un moment que ça me trotte dans la tête. J’avais d’ailleurs tenté un aquathlon dans la Seine il y a quelques années et je n’y avais pas été ridicule.
Ceci étant, j’hésitais. Pas vraiment nageur (plutôt plongeur), pas vraiment coureur cycliste (mais randonneur endurant) et coureur à pied assez médiocre, sur le papier, je me trouvais loin des standards de l’exercice. Mais bon, me dis-je, tentons.
Je décide donc de m’attaquer à la discipline humblement avec le format le plus court qui existe, le triathlon XS. Le S est un peu plus costaud, puis les choses sérieuses commencent avec le format M, le format olympique, celui du triathlon de paris auquel, je ne m’en cache pas, j’aimerais bien aller me frotter. Au-delà, les formats L et XL ne me semblent pas accessibles. Ni aujourd’hui, ni jamais.
Le XS disais-je, tout petit triathlon pour essayer et voir si c’est bien. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, il se trouve qu’il s’en court un au Pieux, le gros bourg près duquel je passe la moitié de mes vacances. Et en plus il se dit qu’il est top. So be it.
M’y voilà donc inscrit et débute une période de stress permanent. Pas un jour ne passe sans que je pense à cette course. Et puis il y a la nage. 200 mètres. Rien de grave mais moi, les 200 mètres, en crawl, je sais pas faire. Avec des palmes oui mais avec mes petits orteils potelés, pas que je sache. J’en parle à une copine nageuse qui me donne, en passant, 3 conseils : « respire tous les 3 mouvements, va chercher loin et vas-y cool ». Je me rends donc à la piscine avec beaucoup d’enthousiasme et me lance dans mon premier 200 mètres en crawl que je boucle en un peu plus de 5 minutes assez sidéré d’y être arrivé. Dans la foulée j’en fais 2 de plus en presque 6 minutes, pas top mais bon, j’y arrive. Je m’astreins à aller à la piscine deux fois par semaine et l’avantage de partir de loin, c’est qu’on progresse vite. Je gagne environ 10 secondes par semaine pour boucler mon dernier 200 en à peine plus de 4 minutes une semaine avant la course. Y’a plus qu’à.
Juste content d’être là
Je vous épargne les détails (bagnole pétée le jour du départ, voiture de loc à aller chercher à Roissy, pas de vélo pour rouler dans les cailloux la veille) mais disons qu’il s’en ait fallu de peu pour que je ne prenne jamais le départ, ce qui aurait été un crève-cœur. J’arrive donc sur le départ de la course assez détendu. Le stress que je ressens lors ses grandes courses laisse place à un immense plaisir d’être juste là. Mes chéries faisant également la course en relais, mon aînée me tient compagnie sur le bord du bassin. J’aperçois la famille qui a fait le déplacement pour nous encourager, c’est trop cool.
Arrivé dans la piscine, petite déconvenue. Ils sont tous en tri-fonction. C’est une tenue de triathlon qui permet de nager, pédaler et courir sans se changer. J’ai prévu d’en acheter une mais le règlement de la course disait « maillot de bain obligatoire » alors je suis venu sans. Et je suis le seul de ma série. Je vais perdre du temps à me rhabiller, pas cool. Puis z’ont l’air pros les Normands avec leur tri aux couleurs des clubs de triathlon du coin. J’espère ne pas passer pour le touriste de service et finir dans les derniers comme à chaque fois que je m’inscris à une compétition dans le coin.
C’est parti
Je suis dans la série de 13h06 et à 13h06 pile, le coup de sifflet sonne le départ. Je suis quand même tendu, c’est la première fois de ma vie que je fais la course dans une ligne d’eau et j’ai peur de partir trop fort et d’exploser. Mon énorme échec aux 20 km de Paris un mois plus tôt a laissé des traces. Je nage donc à mon rythme et au bout de 3 longueurs, je m’aperçois que les nageurs qui m’encadrent ne sont pas devant moi. Certains sont même un peu en retard. Est-ce possible ? J’attaque le deuxième 100 mètres en montant un peu le rythme. J’aimerais bien faire moins de 4 minutes mais je ne veux pas me tuer et perdre du temps ensuite. Le nageur à ma gauche me démoralise. Il est passé à la brasse mais nage aussi vite que moi. Je finis devant mais très essoufflé et il y a encore des nageurs derrière moi. Je me rue sur mes fringues mais je suis entamé et je perds du temps à enfiler mes chaussettes. Ça me semble interminable et quand je pars enfin, impossible de savoir si les gens qui sont là sont ceux de ma série ou de la suivante. Je file au parc à vélo, je perds du temps à enfiler mes gants mais ça y est je suis dessus, prêt à en découdre.
Je me suis fait prêter un vrai VTT pour l’occasion et heureusement. Avec mon VTT de rando à fourche rigide, je crois qu’on m’aurait retrouvé plié en quatre dans les épineux. Je file aussi vite que possible, je n’ai pas de compteur mais je pense que je suis à plus de 40 km/h. Des signaleurs m’indiquent où tourner, ils sont partout c’est super agréable et au bout de quelques minutes me voilà dans les cailloux. J’y arrive trop vite, me fais la peur de ma vie mais comme ça passe, je décide de continuer à foncer. C’est totalement déraisonnable car je n’ai aucune expérience en cross-country mais j’envoie tout je que je peux. L’idée, c’est : ça passe ou ça casse. Je dérape à plusieurs reprises et manque de me rompre le cou mais j’ai décidé de ne rien lâcher. Je rattrape une cycliste que je laisse sur place. J’en double une deuxième qui visiblement à peur et avance au pas. J’en vois un au loin, un peu plus rapide que les filles que je viens de doubler mais pas assez pour me semer. Je décide de ne lui laisser aucune chance et le reprends assez facilement. Je suis en mode furie et il faut que je me calme un peu car je viens encore de manquer de me casser la binette. Je sens une présence derrière moi. Le chemin tourne à angle droit puis remonte, je suis surpris, je freine et je n’ai pas assez de jus pour relancer, obligé de descendre de vélo et de pousser. Le type se rapproche. Je décide de courir, j’ai le cœur dans la bouche, le pouls à près de 200, je pousse comme un âne et remonte sur le vélo, descends en braquet minuscule et mouline comme un dératé puis j’arrive enfin en haut de la montée, au bord de la crise d’apoplexie.
Le gars est loin derrière, le chemin redescend, je temporise en respirant à fond pour me remettre bien pour la course à pied. Arrivée près de la mer, le signaleur est sur son portable et ne me vois pas. Je lui demande par où c’est mais pas de réponse, alors je vais tout droit. C’était pas tout droit. Perdu. Et merde. Tout ça pour ça. Je continue au ralenti et je vois en contrebas un chemin coupé par de la rubalise. Je dois être en parallèle du bon chemin, je ré accélère mais je me retrouve dans une montée terrible. Je mouline comme je peux et arrivé en haut, j’ai le choix entre continuer ou tourner. Personne, aucune indication. À ma droite la mer. Allez, essayons ça. Je suis… dégoutté. Je ne pleure pas parce que je pleure qu’au cinéma mais je suis vraiment vert.
Puis je vois un signaleur en contrebas qui bloque une voiture, j’accélère, je lui hurle que je suis perdu, il me répond de foncer tout droit. Je passe sur gros braquet et j’envoie. 500 mètres plus loin, je manque d’écraser le bénévole qui m’attend pour prendre mon vélo, Je suis au bon endroit et j’y arrive par le bon chemin alors on ne va pas pinailler. Je donne mon casque et mes gants et j’attaque la course à pied. Sur la plage, je suis seul au monde. Où sont passés les 8 autres concurrents de ma série ? Devant ? Peu probable je vois la cale 3 km au loin et aucun n’a pu me mettre 15 minutes dans la vue. Le plus probable est qu’ils sont tous derrière. Allez je me remotive pour les 3,5 km de course. Il fait un temps magnifique mais le vent est terrible. Des rafales à plus de 60 km/h me clouent sur place. Par contre je ne sais pas si c’est l’adrénaline mais j’ai une patate d’enfer.
Je cours aussi vite que j’en suis capable et boucle le tout en 19 minutes loin des 16 que je m’étais fixées mais sans regret car j’ai tout donné. J’arrive rincé mais heureux. Je finis en 52 minutes, 47e sur 154. Ouf, pas ridicule du tout. C’était trop bien. Vivement l’année prochaine ! Et soyez prévenus les 46 qui étaient devant. Je serai là et cette fois, sans chaussette, mais avec la tri-fonction 😀
© Crédit photos : Sophie, Nico, Chloé et l’organisation que j’en profite pour remercier