La traditionnelle de l’été en mode lendemain de fête
Il fallait une bonne dose de motivation et peut être même un peu de courage pour s’aligner ce dimanche sur la 15e (la 6e en ce qui me concerne) édition de la Course du Run de Tatihou. Après des semaines de canicule, le climat normand a en effet décidé que c’était aujourd’hui qu’il reprenait ses droits, et pour fêter ça, il nous a carrément gâtés. Trombes d’eau, rafales de vent, ciel gris pour ne pas dire noir, brume bien épaisse et bien humide, bref, en un mot comme en cent, un sacré temps de merde. Alors forcément, toute la matinée, j’hésite.
D’un côté, quand je regarde par la fenêtre, j’ai pas envie. D’un autre côté après le fiasco des 24 heures du Mans je me dis que je ne peux pas décemment annuler le Run pour trois gouttes d’eau et quelques rafales de vent. Mais quand même, j’ai pas envie.
Je trouve quand même un filet de motivation et décide in extremis de tenter le coup. Ayant oublié ma tenue de pluie à Paris, je ne sais pas vraiment comment m’habiller. Je tente le haut d’hiver bien chaud en espérant qu’il fera un peu coupe-vent et que la pluie finira par se calmer et me voici parti vers Saint-Vaast-La-Houge. Seul. Et franchement, la course du Run avec le pique-nique en famille avant et la glace sur le port après c’est une chose ; la course du Run seul à se peler sous la flotte en attendant le départ, c’en est une autre.
Comme souvent le départ est reporté. Alors on patiente. Et on se caille. À 10 minutes du départ, je participe sans conviction à un échauffement un peu surréaliste qui n’a d’échauffement que le nom et qui ressemble plus à un cours de Zumba dans l’EPAHD des bleuets. Puis tout à coup, je flanche, avant même d’avoir commencé à courir. Je suis complètement assommé. J’ai mes jambes des mauvais jours, l’impression de peser deux tonnes et le bide pas encore bien remis du barbecue géant de la veille au soir.
J’en étais à me demander si je n’allais pas tout simplement ne pas prendre le départ quand tout à coup, la foule se resserre autour de moi. Planqué au milieu d’un millier de coureurs, je ne sens plus le vent et comme il ne fait pas si froid que ça et que la pluie s’est arrêtée d’un coup, je suis pris d’un énorme coup de chaud. Tête qui tourne, léger vertige, je commence à repenser au Mans et me sentir vraiment pas bien du tout. Je lance quand même la recherche de satellite sur ma montre pour conjurer le sort mais je me rends compte que je n’ai rien mangé ni bu depuis mon petit café du matin. Mais bon sang de bois, dans quelle galère je me suis encore empêtré…
C’est parti
Pus finalement, le peloton s’ébranle et sans trop réfléchir, je me mets à trottiner. Et tout compte fait, la suite sera plutôt pas mal. Enfin disons que ça aurait pu être bien pire. Coincé en queue de peloton, ça n’avance pas. L’an dernier j’avais avalé la portion de plage à tout berzingue, cette année, je peux à peine trottiner et au final ça me va assez bien vu mon état général. Je perds un temps fou sur le premier aller, face au vent et quand je peux enfin me mettre à courir à mon rythme, je dois zigzaguer et y laisse quelques plumes.
Ça ne se dégage qu’au retour, vent dans le dos et en légère descente et au fur et à mesure que j’allonge ma foulée, je sens l’energie vitale arriver dans mes muscles. J’ai les jambes lourdes mais je sens que je peux accélérer et je commence à doubler. Je n’arrêterai plus jusqu’à la fin de la course mais je pars de tellement loin.
Arrivé au Run, j’ai la bonne surprise de voir que les flaques cette année, sont presque vides. En faisant de grands pas, je parviens à courir pratiquement tout le long sans fatigue. Je marche fort dans les passages les plus profonds et en sors en bon état. J’ai beaucoup doublé et arrivé sur le sable je double encore. Je connais le parcours par cœur, je sais quand je peux pousser et quand il faut temporiser mais les passages suffisamment larges pour doubler se font plus rares. Je suis essoufflé alors que je ne cours pas bien vite mais personne ne me passe et je continue à remonter au classement.
Arrivé dans le jardin, un abruti me bouscule pour attraper le verre d’eau que je m’apprêtais à prendre et dont je rêve depuis la plage. J’hésite entre lui mettre un coup de boule (et finir en prison) ou en rire. J’ai pas envie de rire. J’opte pour un doublage façon pilier de rugby et avec un discret mais sincère coup d’épaule, je lui coupe la route et met un gros coup d’accélérateur qui me permet de passer toute une grappe de coureurs et d’attaquer la descente avec le chemin tout dégagé. J’allonge à fond ma foulée et accélère encore mais je commence à arriver dans la zone rouge et je manque d’entraînement.
Me revoilà dans le Run. J’essaye de ne pas trop perdre d’énergie dans les flaques mais il n’y a presque plus d’eau et ça passe comme dans du beurre. Je continue à remonter au classement mais en doublant une ou deux personnes tout au plus car le peloton est désormais clairsemé.
Je suis à nouveau sur la plage. Et là, c’est vraiment dur. Je dois à nouveau affronter le vent de face. J’ai du mal à trouver mon deuxième souffle et je vois bien que je suis en train de faire un chrono tout pourri mais je suis trop cuit pour forcer plus. J’arrive sur la cale, avale la montée en serrant les dents et me voila enfin sur la dernière portion. C’est là que je dois maintenant accélérer mais je suis à sec. Je n’arrive pas à lâcher les chevaux, le réservoir est vide.
Tous les groupes que j’ai doublés sont loin derrière, il n’y a plus de danger à faiblir. J’essaye de me remotiver mais je ne vois pas l’arche et je n’arrive pas à estimer combien il me reste de distance. J’estime avoir la force de sprinter sur 200 mètres maximum donc impossible de lancer le dernier effort tant que l’arche n’est pas en vue. Je me fais doubler in extremis par deux coureurs que je n’avais pas vu venir et je ne déclenche pas mon sprint assez tôt pour reprendre le petit groupe qui était juste devant moi, pourtant en fin de vie. Pas d’arche. Je ne risquais pas de la voir. Je perds 10 places bêtement mais je passe la ligne content d’en avoir fini, comme toujours.
Au final, je boucle en un peu plus de 51 minutes soit presque 3 minutes de plus que l’an dernier mais compte tenu de mon état de forme du moment c’est assez inespéré. Je finis 884e sur 1326 . Toujours pas de quoi pavoiser, mais toujours pas de quoi rougir non plus. À ma place quoi, dans le bas du deuxième tiers 🙂
Et puis, une fois la course terminée, la parenthèse heureuse se referme et il se remet à flotter sans discontinuer.
© crédit photo Wilhelm Roussin de Normandie Course à pied que je remercie