Premier trail d’enfer dans des tonnes de boue

L’Ice Trail édition 2010, un trail court dans la boue pour bien commencer l’année

Alors laissez-moi vous dire une chose, la boue vous croyez savoir ce que c’est mais en réalité vous n’en savez rien, vous en avez juste entendu parler. Moi-même jusqu’à dimanche dernier, alors que je pensais avoir une idée assez précise de ce qu’était la boue, j’étais très loin du compte. J’avais lu des récits d’hommes et de femmes ayant affronté la boue héroïquement et notamment lors de la très fameuse édition 2009 du trail de la forêt de Carnelle où les coureurs avaient pataugé dans la boue jusqu’à l’écœurement mais le lire est une chose, y patauger en est une autre.

Car soyons clairs, lorsqu’on a couru l’Ice Trail on peut dire que l’on sait. On sait vraiment ce que c’est que de la boue. De la vraie boue, avec plusieurs couleurs différentes selon qu’elle glisse beaucoup ou qu’elle glisse énormément. De la boue qui fait flop quand on s’enfonce dedans et qui essaye de vous piquer votre godasse quand vous voulez retirer le pied. Et moi, j’y étais. Et je me suis bien marré !

Côté prépa, on va faire court : je ne m’y suis pas préparé du tout. Moi de la boue près de chez moi, j’en ai pas. Des côtes j’en ai mais je les monte en courant alors qu’il est d’usage en trail de marcher dans les montées. Et puis de toute façon moi les côtes en vrai, j’aime pas ça, ni en courant, ni en marchant, donc j’ai continué ma prépa pour le 10 km de Vincennes de dans 15 jours comme si de rien n’était.

Dimanche matin, lever à une heure tout à fait indécente pour un dimanche (et même pour un jour de semaine d’ailleurs) et départ déjà tout équipé pour St Martin du Tertre. À environ 1 km de la mairie je décide de me garer sur le bas côté et de finir à pied. J’évite donc le super bouchon qui se forme quelques mètres plus tard, récupère mon dossard en 3 minutes et me dirige tranquillement vers le stade pour assister au départ de la première course. Après un bon moment d’attente, la course de 30 km fini par s’élancer. Je rejoins la zone de lancement et fait mes derniers réglages de sangles (je vais courir pour la première fois avec un sac à flotte). Comme je suis là pour m’amuser je me place en queue de peloton après m’être échauffé 10 secondes pour dire que. Le départ est donné, j’ai les jambes lourdes. Je décide d’y aller cool et je me laisse emmener par le peloton qui n’a pas l’air parti pour faire péter le chrono. L’ambiance est bon enfant, ça discute très facilement. Faux plat immédiat, j’ai les jambes vraiment lourdes ce matin, c’est pas gagné cette histoire. Après cette légère montée assez pénible on sort du bitume et c’est parti dans la gadoue. Les connaisseurs diront qu’il y en avait beaucoup moins que l’an dernier mais laissez moi vous dire qu’il y a en avait bien assez. Largement assez même pour ne pas dire vraiment trop.Départ de la course

J’ai du mal à trouver mon rythme car je me trouve dans un groupe vraiment très lent dont je ne parviens pas à m’extirper. Je reste donc de longues minutes coincé dans le peloton à faire bien attention à pas me casser la binette avec mes running pas du tout taillées pour cet exercice. Puis arrivent les premières côtes et commence ce fameux exercice propre au trail dont on m’a tant parlé qui consiste à alterner marche et course et le moins qu’on puisse dire c’est que ça n’est pas si simple que ça. Dans les montées, bien que je n’ai pas mon cardio que je ne prends jamais en course, je sens mon cœur sur le point de se décrocher et je récupère comme je peux sur le plat en courant (c’est vraiment le monde à l’envers). Le plus dur est de se remettre à courir car la tentation est grande de continuer à marcher une fois la montée avalée mais au bout d’un moment ça fini par le faire. Les 6 premiers kilomètres me semblent vraiment difficiles mais finalement ce petit côté parcours du combattant est vraiment très ludique, mais du coup, j’ai pas du tout l’impression de participer à une course mais plus à un jeu, il faut arriver le plus vite possible mais même quand je double quelqu’un, je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir pris une place. C’est surprenant comme sensation et bien que cet exercice m’épuise littéralement, je ne suis pas du tout dans la même situation de souffrance que lors d’un semi. Cette succession d’efforts très brefs et très répétés ressemble plus à ce que je vis lors de mes entraînements d’arts martiaux et je m’y sens donc beaucoup plus dans la normalité. Lent, mais content.

Arrivé au km 9 c’est la bifurcation avec le parcours de 30km et mon GPS m’indique déjà 600 mètres de plus que les 9 km annoncés. Quelque chose me dit qu’on va faire un peu de rabe mais je commence à ressentir une vraie et profonde fatigue. La boue oblige à déployer une énergie phénoménale pour un rendement désastreux. Je vois les pros de l’exercice passer la dedans comme des cabris, dévalant les pentes à tout berzingue alors que de mon côté je me suis fixé un nouvel objectif : éviter l’entorse à tout prix. Les deux kilomètres suivants vont être très difficiles jusqu’à ce que je m’aperçoive que je n’ai pas fait le plein en sucre depuis le départ et que j’ai déjà une bonne heure et quart dans les pattes. Je réussis à attraper comme je peux une pate de fruit que je prends généralement plutôt avant la course et me maudis d’avoir eu la flemme samedi d’aller m’acheter mes petits gels coup de fouet à la pomme.

Mais bon, je prends quelques gorgées d’eau grâce à la pipette du sac à flotte qui m’a couté un rein et c’est reparti.

Je me retrouve dans un nouveau petit groupe où tout le monde semble en avoir ras la couenne de toute cette boue et très franchement, moi même, je commence à très légèrement saturer et à commencer à fantasmer sur une douche chaude. Je me retrouve à faire office de chronométreur mobile en annonçant les kilomètres. Au 12e kilo je décide d’accélérer histoire de me rapprocher plus vite des fraises Tagada. Une des coureuses du groupe s’accroche et nous finirons la course ensemble à une allure pas si mauvaise que ça. Nous finissons par nous apercevoir que nous avons fait une boucle et que nous reprenons le même chemin qu’à l’aller et il nous apparait assez vite que nous allons faire plus de 15km. Pas grave, vu qu’on a quand même pas mal marché, on a encore des jambes et en rallant un peu nous finissons par arriver un peu avant la barre fatidique des 2h. Je perds une place au classement général par galanterie après avoir quand même doublé une bonne trentaine de coureurs sur le dernier kilo qui se courrait sur bitume, chassez le naturel il revient au galop.

Finalement, je suis assez content de moi. Je me doute bien que je dois être encore dans les limbes du classement¹ mais ce 15 km boueux et difficile qui mesure finalement 16,5 km avec près de 450 m de dénivelé (on dit souvent que 100m de D+ valent un km sur plat) est bouclé dans le même temps que mon dernier semi-marathon tout plat mais surtout avec une sensation très plaisante d’être complètement vidé mais sans s’être mis en morceau sans avoir mal partout. Effectivement, le lundi après une nuit de 12h je me relèverai avec les cuisses un peu dures mais sans comparaison avec l’état désastreux dans lequel je me suis retrouvé les lendemains de mes deux semis. Puis y’a pas à dire, qu’est ce que c’est beau la forêt en hiver…

Voila, première expérience en trail concluante et agréable et qui permet d’envisager le prochain (le fameux trail de la Vallée de Chevreuse que je vais courir avec mon pote Laurent avec sérénité malgré le défi relatif qu’il représente pour moi. Je ne parle pas de la distance (seulement 20km) ni du dénivelé démentiel pour une si courte distance (près de 800 m D+) mais de l’heure de départ. Briefing sur la ligne de départ à 7h50. Un dimanche ! mais ils savent que c’est l’heure à laquelle je me lève pour aller bosser ça ? Rien que d’y penser j’en ai des sueurs froides…

¹ Je finis à l’honorable place de 729e sur 921 en 1h59 et des brouettes
© photos Loicm