Voilà, c’est fait ! Ça m’aura pris une petite quinzaine d’années mais j’ai coché la case « triathlon de Paris ».
En vieillissant, à défaut d’être devenu patient, j’ai appris à ne pas griller les étapes. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avant de m’y coller, j’ai bien bien pris mon temps. Je ne vais pas vous faire l’historique chiant de ses 15 années à tergiverser, à me demander si j’en étais capable, à me préparer étape par étape mais disons qu’il était écrit quelque part qu’un jour je bouclerai un triathlon au format M, appelé aussi format olympique (1,5 km de natation, 40 km de vélo, 10 km de course à pied) et que quitte à ce que ça soit fait, autant que ça soit à la maison.
J’ai commencé le triathlon très timidement avec un format XS ultra ludique en Normandie il y a maintenant 5 ans. Six mois plus tard, au moment de m’inscrire au triathlon de Paris, j’ai été pris des mêmes doutes sur mes capacités à finir un triathlon M et j’ai finalement coché la case S (format sprint) et je me suis régalé. J’ai enchaîné les épreuves courtes puis je me suis finalement lancé et je me suis inscrit à un M en Bretagne qui a été annulé à cause du Covid. Le destin sans doute. La pandémie m’a éloigné des bassins et des triathlons et lorsqu’enfin en 2022 le triathlon de Paris a de nouveau été organisé, je l’ai joué petit bras et je me suis réinscrit sur le sprint. Et je me suis encore plus régalé. En septembre, je m’inscris sur le M de Bois-le-Roi mais là encore ce n’est pas vraiment la distance olympique. Il n’y a « que » 900 mètres de natation et « que » 33 km de vélo. Je m’y suis une fois encore éclaté car une compétition de triathlon, c’est vraiment un truc à part.
Et puis voilà, cette fois, mon doigt n’a pas tremblé au moment de cliquer sur la case format M et me voici à 7h du matin en train de vérifier mon matériel avant de me diriger vers la Rotonde pour prendre le départ de la nage. Je n’ai pas d’appréhension quant à ma capacité à finir. Le temps a passé et j’ai une idée assez précise de ce que je peux m’infliger. Par contre, alors que finir aurait pu être un objectif en soi, je me fixe des objectifs chronométriques et surtout j’espère ne pas me faire coiffer sur la ligne par les potes de ma fille qui depuis quelques années se sont mis à la course à pied et au triathlon et qui courent tous bien plus vite que moi. Ne pouvant rien miser sur la course à pied et la natation, je dois donc soigner mes transitions et forcer un peu sur le vélo, mon seul point non-faible.
C’est parti
Sur le quai, des centaines de gugus attendent sagement de descendre les escaliers qui mènent au canal. Pas question de perdre 3 minutes à faire la queue, je saute à l’eau sans réfléchir et commence à nager avec une certaine facilité. J’ai un peu chaud avec la combi mais elle m’aide tellement en portant mes grosses cuisses que je ne m’en passerai pour rien au monde. J’ai une bonne sensation de glisse et je double continuellement mais je suis surpris par l’absence d’agressivité des gens qui m’entourent. Ça nage courtoisement, ça double sans contact, ce n’est vraiment pas la même ambiance qu’à l’avant de la course. Je vois défiler les nageurs que je double très facilement. J’ai la baraka et la montre m’indique ma progression en vibrant à chaque 100 mètres mais sans m’indiquer à quelle vitesse je nage, mon objectif étant surtout d’éviter au maximum de me fatiguer inutilement. Alors que j’ai dépassé les 1000 mètres, je sens un début de crampes dans les orteils. J’ai l’impression de bien réussir à la gérer et je continue à nager mais je ne double plus personne. J’en déduis que j’ai remonté tous les nageurs plus faibles que moi et que tous les meilleurs sont désormais irrattrapables. Les 500 derniers mètres sont avalés sans problème et je sors de l’eau avec la banane.
J’arrive au parc à vélo, réalise une transition impeccable en retirant ma combi en un clin d’œil, et je pars vélo à la main sans trop me poser de question ni regarder mon temps de la natation.
C’est re parti
La parcours à vélo du triathlon de Paris ne présente pas la moindre difficulté. Il est aussi plat qu’un parcours puisse l’être, le drafting y est autorisé et les sols parisiens sont lisses et agréables à rouler. Les deux dernières fois, j’avais roulé à 33 km/h de moyenne sur 20 km. Mon objectif est de tenir cette allure sur 40 km, ce qui pour moi n’est possible que si je ne roule pas seul face au vent. Je double continuellement mais les rares cyclistes qui me doublent sont les meilleurs de la vague 5 (je suis parti dernier de la vague 4) et ils sont impossibles à suivre. Au bout de quelques km, je me fais doubler par un cycliste à peine plus rapide que moi et je me colle dans sa roue après un effort minime. Il est grand et costaud et me protège bien. Au bout d’un moment, je lui propose un relais et je fais de mon mieux pour maintenir la vitesse mais il reprend le lead assez rapidement et ne semble pas gêné par ma présence dans sa roue. Ensemble nous allons remonter des centaines de cyclistes, les très lents des vagues précédentes et les moins rapides de ma vague. Arrivés dans le bois de Boulogne, je prends les commandes et je pousse un peu sur les jambes. Il ne repasse pas devant, ce qui me permet de faire ma part pendant un long moment. Nous continuons à rouler à deux mais arrivés sur les quais dans le sens du retour, il y a un peu plus de bagarre et rouler à deux devient compliqué. J’intègre un petit peloton mais ils roulent fort et je ne suis pas aussi à l’aise en peloton en vélo qu’en roller. Ils me décrochent et me voilà seul. Je décide de forcer un peu pour maintenir ma vitesse et au bout d’une bonne dizaine de minutes, je me rends compte que mon compagnon est toujours collé derrière. Il reprend le relais à 4 km de l’arrivée et bombarde. Je le suis sans problème et nous arrivons à la Villette en un clin d’œil. On se remercie mutuellement et je réussis mon déchaussage plutôt pas trop mal mais je suis garé loin et j’arrive à mon emplacement essoufflé.
Je galère un peu avec mes chaussettes, enfile mes chaussures en 2 secondes et repars au petit trot.
C’est re re parti
Je n’ai pas la moindre idée de l’heure qu’il est mais la chaleur est déjà accablante. Ce dimanche de juin est le plus chaud jamais enregistré à Paris un mois de juin. Ambiance canicule donc. J’essaye de me caler à mon allure semi-marathon mais je comprends assez vite que si je veux éviter de finir à quatre pattes, il va falloir que je temporise et je ralentis donc pour passer à mon allure marathon. Pas top pour un 10 km mais vu l’état des autres coureurs, je me dis que c’est une posture raisonnable. Ça ne permettra pas de faire les 2h55 que j’espérais mais je devrais être large pour le sub 3h.
La course se fait le long du canal. J’ai fait ce parcours des centaines de fois, je vois parfaitement où se situe la passerelle du parc de la Bergère mais la chaleur est éreintante. Je ne regarde pas ma montre de peur d’être déprimé, j’essaye juste de rester en dessous des 5’40 au km et bizarrement, ça tient. Normalement à ce stade de la course et vu ma vitesse, je devrais me faire doubler par des hordes de coureurs mais contre toute attente, j’en double plus qu’il n’y en a qui me doublent, ce qui me motive pour rester dans ce rythme. Une fois passé la passerelle et le ravito, me voilà dans la dernière interminable ligne droite. Je m’autorise enfin à regarder le chrono et je me rends compte que je ne suis pas si large que ça pour le sub 3h, surtout que la partie course à pied fait presque 11 km et non 10. J’accélère très légèrement mais je n’ai pas le gout du risque et pas envie d’exploser en vol. Je tarde à lâcher les chevaux et lorsque je me mets à vraiment cavaler il est trop tard. Je passe la ligne en 3h et… 43 secondes.
C’est fini. On remet ça ?
Une fois passée la ligne et après avoir récupéré mes poumons, le sale gosse compétiteur qui sommeille en moi reprend le dessus et je m’inquiète de savoir si le pote de ma grande, Saad, jeune, grand et costaud triathlète débutant, est devant ou derrière moi. Je retrouve mes chéries sur la ligne d’arrivée et nous guettons ensemble son arrivée. L’honneur est sauf. Il a nagé et couru plus vite que moi mais il a bien bien galéré en vélo et nous le voyons passer la ligne avec la tête de quelqu’un qui est bien content d’en finir.
Quant à moi, à ce moment là, je ne le sais pas encore mais il ne me faudra pas 15 ans de plus pour que je me fixe un nouvel objectif idiot. Ça sera pour le 16 juin 2024 avec le demi-Ironman de Nice. Totalement déraisonnable mais on ne se refait pas.
Plus tard, assis dans mon canapé le nez sur les données enregistrées par ma montre, je découvre que ma nage s’est totalement effondrée au passage des 1000 mètres. La crampe a visiblement complètement détraqué ma technique et je ne m’en suis même pas rendu-compte. Je suis passé d’environ 2’10 aux 100 mètres à pas loin de 3 minutes aux 100 mètres, autant dire du sur place. Je boucle la nage en plus de 39 minutes contre 36/37 estimées. Pas illogique que je sois sorti de l’eau frais comme un gardon.
C’est vraiment dommage car j’ai réussi à tenir mon objectif de rouler à plus de 33km/h sur 40 km et réussi à maintenir une allure décente en course à pied. L’avantage, c’est qu’au moins je sais ce que je dois bosser pour le prochain. Que dis-je le prochain, les prochains et j’espère qu’il y en aura un paquet d’autres parce que finir un triathlon, c’est vraiment quelque chose d’intense et une grande satisfaction.