Paris – Quettetot #2 : on remet le couvert !
Il y a un an, nous partions sur les routes pour une première expérience de cyclocamping qui devait nous mener jusqu’à Quettetot, petit bourg du Nord-Cotentin situé à quelques kilomètres de Bricquebec, entre Valognes et Cherbourg. Ça nous avait bien plu, alors on a décidé de recommencer.
J-2 : patience et langueur de temps
Drôle de blague que nous ont fait les décideurs de la mairie pour laquelle je travaille, de décréter que cette année le mois de juillet se finirait le mercredi 4 août. Le départ est donc pour jeudi et déjà quelques questions m’assaillent : La météo sera-t-elle plus clémente que lors de la Baladavélo #2 du mois de juin au cours de laquelle des millions d’hectolitres de pluie nous sont tombées sur le paletot ? Ma clavicule, qui a décidé il y a un mois et demi d’aller voir un peu dehors ce qui s’y passe, me laissera-t-elle faire quelques 25 heures d’effort en 3 jours sans se rappeler à mon bon souvenir ? Tom ira-t-il au bout du périple, déjouant ainsi tous les pronostics ? Mon fidèle 5.2 tiendra t-il la route sans pépin mécanique ? Dans quel état serons-nous à l’arrivée après 360 bornes de vélo pour aller le lendemain gambader dans les flaques lors de la course du Run ?
Une logistique bien rodée
Loin du stress qui avait accompagné quotidiennement pendant des semaines la préparation de la première édition, cette 3e Baladavélo se prépare toute seule. Le vélo est désormais bien équipé pour les randos de plusieurs jours et il reste même un peu de gomme sur les patins de freins. Je lui ai juste ajouté une béquille et mis un petit coup de WD40 avant de partir. Je me suis également offert une mini pompe à manomètre, histoire de ne pas me faire avoir deux fois. Enfin, je suis désormais pas mal équipé en matos de camping, une tente T3 ultralight pro et un duvet ultralight s10 venant compléter ma panoplie du parfait petit cyclocampeur. Le seul point noir reste cette fichue batterie qui alimente mon GPS et qui est certes d’une efficacité redoutable mais qui pèse le poids d’un âne mort et me pose quelques problèmes de conscience vis à vis de l’aspect écologique de ces petits voyages. Il ne me manque plus qu’une chose. Un drapeau. Tout le monde est contre mais il me faut absolument un drapeau !
Bien entendu, Tom, de son côté, se rend compte à J-2 que ses sacoches de vélos sont en Belgique mais on a connu pire. La dernière fois à J-1 il nous manquait un vélo, donc inutile d’épiloguer :-D. Alors que la veille au soir il pleuvait des cordes, un soleil radieux accompagne les derniers préparatifs. Moi je vous le dis, ça va être du gâteau. Qu’y disait.
Étape 1 : Paris – Évreux 123 km
C’est parti ! 9h05, nous quittons la place Jourdain en direction du Bois de Boulogne, décidés cette année à nous en remettre entièrement au GPS afin d’éviter les nombreuses erreurs de carto de l’année dernière. Décision que nous allons payer comptant le lendemain en nous enquillant des kilomètres de nationale bien pourrie au milieu des chauffards et des camions lancés à 100 km/h. J’y reviendrai.
Après nous être paumés dans Paris, au même endroit que l’an dernier, nous finissons par nous remettre droit et faisons notre première pause à Rueil-Malmaison, devant un petit kawa, sur l’île des impressionnistes, dans une ambiance bucolique à souhait. À la reprise, nous nous retrouvons sur une route déprimante et pleine de trafic en voulant faire l’impasse sur la piste cyclable qui mène à Poissy. Décidément, c’est pas ça question itinéraire. Il semble indispensable de me pencher calmement sur cet aspect des Baladavélos à mon arrivée car ça gâche un peu le plaisir quand même. Seconde pause devant le château de Saint Germain en Laye pour découvrir un panorama à couper le souffle puis nous repartons en direction d’Orgeval.
Il commence à faire faim et la route est toujours aussi déprimante. Notre seule alternative est de nous diriger vers Mantes-la-Jolie. Je me rends compte que si l’édition 2009 avait été surpréparée jusqu’à l’écœurement, l’édition 2010 ne l’est clairement pas assez. Je n’ai même pas pensé à prendre l’itinéraire que j’avais calculé sur Google map et nous voilà bien partis pour nous taper la N13 pendant 3 jours.
Arrivés à Mantes, nous avons la bonne surprise de découvrir un centre ville très sympa et bien loin de l’image de banlieue ultra-pourrie que nous en avions à cause de sa réputation sulfureuse. Nous trouvons un petit resto très sympa et pas très cher où la patronne nous ouvre même sa cour pour que nous puissions entreposer les vélos. Royal.
La suite de la journée aurait pu être du même tonneau, faite de pauses champêtres et de longues lignes droites au milieu des champs, il n’en sera rien. Ce jeudi après-midi sera en réalité un véritable cauchemar. Le vent qui nous a enquiquiné toute la matinée a forci et souffle maintenant en rafales. Nous ne parvenons pas à trouver un itinéraire bis acceptable vers Évreux et nous nous retrouvons donc face au vent avec un dénivelé positif qui ne cesse de s’alourdir, sur des routes bordées de champs à perte de vue, sans le moindre arbre pour nous abriter ne serait-ce qu’un tout petit peu. Avec le poids du vélo, je vis un vrai calvaire, dépassant rarement les 13 km/h sur le plat et ne pouvant même pas profiter des descentes tant le vent nous plaque inexorablement. Seul moment agréable, une petite terrasse inespérée dans une cour où nous sirotons un coca à l’abri du vent avant de reprendre la route.
Comme il se doit, je crève à 10 km d’Évreux que nous atteignons en début de soirée, exténués et un peu découragés. Nous réussissons à faire les courses in-extremis avant la fermeture de l’Intermarché du coin et comme il est trop tard pour chercher un spot sympa pour camper sur le chemin du lendemain, nous décidons de nous rajouter quelques kilomètres pour retourner au spot de l’an dernier que nous retrouvons intact et où nous bivouaquons sans encombre.
Étape 2 : Évreux – Clinchamps-sur-Orne 138 km
Le lendemain, nous traînons un peu et repartons à 9h30 avec comme objectif un petit bled situé un petit peu en dessous de Caen où nous attend une douche chaude et un coin de prairie dans un petit camping à la ferme. Grosse étape en perspective. À la sortie d’Évreux, nous nous retrouvons sur la D613 qui est probablement ce qui se fait de pire en matière de route. Le trafic des voitures et des camions est continu et le vent qui souffle de face nous oblige à bourriner comme des ânes, tendus comme des cordes à piano, concentrés pour ne pas nous faire renverser au moindre écart de trajectoire. Après deux heures de ce régime, nous sommes totalement désespérés. Nous décidons de nous dérouter, quittes à faire plus de kilomètres et nous faisons un coude pour passer par Bernay. Nous trouvons enfin des routes de campagne agréables et protégées du vent où nous pouvons rouler côté à côte en papotant.
À Bernay, sur la place de l’église, nous trouvons la pizzeria la moins chère de France qui nous propose un menu pantagruélique pour une somme dérisoire et y faisons une pause bien méritée et salvatrice. Nous repartons requinqués et retrouvons au bout de quelques dizaines de minutes la D613 et son flux ininterrompu d’engins bruyants et polluants. Nous décidons de prendre notre mal en patience jusqu’à Lisieux où nous prenons un pot en terrasse devant la cathédrale. Nous sortons de Lisieux après avoir reprogrammé le GPS pour qu’il nous déroute par des petites routes de campagne, ce qu’il fera à la perfection. Nous passons donc une après-midi fort agréable à rouler à bon rythme, sans vent et sur des routes particulièrement plaisantes malgré le kilométrage qui s’alourdit et le dénivelé qui s’avère être plus important que prévu.
Les heures défilent, les kilomètres s’accumulent et nous commençons à nous demander si on va finir par en voir le bout. C’est interminable, d’autant que j’ai eu la main un peu lourde sur les courses et que les kilos se font sentir dans les sacoches (j’aime pas manquer). Finalement, après un nombre de côtes incalculable, nous finissons par arriver à bon port à 20h30, dans un état proche de l’épuisement. Nous prenons le temps de bien manger puis après une loooooongue douche, nous nous effondrons sans demander notre reste.
Étape 3 : Clinchamps-sur-Orne – Quettetot 134 km
Dernier jour. Matin maussade. La journée d’hier a laissé des traces dans l’organisme qui a du mal à se mettre en marche. Je remballe la tente à « la vas-y comme j’te pousse » en y enfermant une de mes mitaines que je passerai 10 minutes à chercher. Une pluie fine vient tout compliquer et les 124 km à venir me semblent le bout du monde. Tom ne cache plus son manque d’enthousiasme à me suivre dans mes supers plans Baladavélo.
Nous repartons finalement vers 9h30, non sans avoir cette fois bien repéré la route et tracé un chemin étape par étape pour ne pas avoir de surprise. Le GPS est cependant bien moins précis dans ses calculs lorsqu’il trace une route sur des petits chemins biscornus et les 124 km prévus initialement se transformeront en 134 mais quel pied que de ne plus croiser qu’une voiture de temps en temps, de pouvoir rouler côte à côte et de foncer dans les descentes. La route est formidable, avec un enchaînement continuel de montées bien charnues mais assez brèves et de maousses descentes dont une en particulier qui me permet de battre mon record de vitesse avec ce vélo en atteignant un petit 58,6 km/h, ce qui, avec 20 kg de barda sur le porte-bagage provoque de sacrées sensations.
Après une pause mémorable dans le bar PMU le plus pourave de toute la Basse-Normandie, nous commençons à chercher un resto et atterrissons dans une friterie tenue par des chtis dans laquelle nous faisons de nouveau un repas qui tient bien au corps dans un cadre franchement sympa.
Nous repartons sur des chapeaux de roue (le double effet andouillette-frites) et roulons à un bon rythme pendant une heure trente. J’ai bien envie de continuer à allumer comme ça jusqu’à épuisement mais Ton exige sa pause sieste syndicale et nous trouvons un banc public parfaitement adapté à la situation dans un bled quelconque.
Du coup voilà que Tom se sent pousser des ailes alors que moi je suis quand même un peu au fond du trou. Le vent s’est de nouveau levé et nous nous retrouvons à faire toute la fin du voyage avec un zeph’ de face bien pénible, certes moins violent que jeudi, mais continuel et déprimant. Je fais donc les derniers kilomètres au moral, prenant toutes les côtes en danseuse pour éviter de perdre trop de temps et de me laisser trop distancer par Tom qui lui grimpe à tout berzingue, pressé d’en finir. J’impose une ultime étape à Ste-Mère-église car je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. L’endroit est très décevant, bondé de touristes bruyants, dénué de terrasse sympathique en dehors des 3 chaises en alu d’un glacier où nous prenons notre dernier pot de la ballade.
Nous reprenons la route avec les jambes en plomb et une grosse envie d’en finir. Nous avalons les 30 derniers kilos en pensant au barbecue qui nous attend et en évitant de trop penser à la côte de Cattigny et à ses 3,1 km de côte à 90% (c’est une côte à angle droit, je vous la déconseille fortement).
Finalement Cattigny est avalée comme les autres et nous déboulons dans la grand’rue de Quettetot à 20h36 soit avec seulement 6 mn de retard sur le planning et après quelques 391,4 km. Le comité d’accueil est à la hauteur de l’attente et après moult embrassades nous voilà à destination. Vive les vacances ! Enfin… sauf que demain faut quand même se lever de bonne heure parce qu’il y a la course du Run. Sans commentaire 😀
Tom a beau jurer que « plus jamais », il est très probable qu’on remette ça l’année prochaine, mais pas comme ça. Après 3 Baladavélos, il me semble que 110 km par jour est un maximum, au-delà, c’est inutilement galère et trop éprouvant. Alors rendez-vous est pris pour pleins d’autres Baladavélos mais pour l’heure place aux barbecues et au larvage sur la plage de Sciotot.