Paris – Quettetot #3 : la wet-wet édition
Sur le papier, cette troisième édition du désormais traditionnel Paris-Quettetot avait tout pour devenir la rando étalon des Baladavélos. Un parcours aux petits oignons, des étapes raccourcies et calibrées pour être ni trop courtes ni trop longues, un voyages rallongé pour pouvoir bifurquer un peu et traverser des paysages inédits, bref, c’eut du être la Baladavélo du nec plus ultra. Sur le papier. Sur le terrain, ça s’est assez rapidement transformé en chemin de croix et il aura fallu puiser assez profond dans nos réserves de bonne humeur pour ne pas tout envoyer balader et rentrer à la maison.
Étape 1 : Paris – Rambouillet 62 km
Tout avait pourtant bien commencé. Afin de gagner une demi-journée, je décide de partir après le boulot le mercredi et donne rendez-vous à Tom au bureau. Dès l’heure légale atteinte, je dépointe et nous voila partis sous un soleil radieux en direction de la coulée verte qui relie Montparnasse à Massy. Il ne nous faudra que 13 petites minutes pour rencontrer notre premier pépin. Le couloir de bus qui longe Beaubourg est jonché de bouts de verre. J’en évite juste à temps un énorme tas mais un abruti de taxi oblige Tom à se rabattre en plein dedans et le pschitt qui s’ensuit ne laisse planer aucun doute sur l’état de son pneu. Tom ayant étonnamment pensé à prendre une chambre à air de rechange, nous repartons assez rapidement en direction de la place de Catalogne. La voie verte est parfaitement balisée et nous découvrons cet itinéraire très agréable quoique relativement éprouvant (beaucoup de montées, de nombreuses barrières qui cassent l’effort, des virages en épingle et autres chemins très biscornus) et nous traversons ainsi Malakoff, Anthony, Sceaux et d’autres banlieues sans subir tous les inconvénients habituels de la sortie de Paris. Nous arrivons à Massy très contents de la balade mais très à la bourre sur le timing.
Au bout d’une dizaine de minutes, je m’arrête pour faire un point carto et Tom descend de son vélo pour se dégourdir les jambes. Je suis à une trentaine de mètres de lui mais le bruit provoqué par l’explosion de son pneu me fait sursauter. Tom est persuadé qu’on lui a tiré dessus. Il faut dire que les trous dans la chambre et surtout dans le pneu sont assez impressionnants. Nous changeons donc à nouveau la chambre à air dans une ambiance légèrement tendue. L’état des pneus de son vieux vélo, déjà pas rutilants avant de partir, et désormais troués de partout, insinue en nous quelques réelles inquiétudes et nous repartons en croisant les doigts pour que le pneu arrière tienne le coup jusqu’au lendemain.
Nous arrivons finalement à 20h30 à Rambouillet dans un camping très déplaisant, hors de prix et qui plus est très inconfortable où nous plantons la tente entre deux flaques de boue sur un bout de terrain microscopique dépourvu du moindre brin d’herbe. La suite est assez classique, pique-nique, douche chaude, point carto puis dodo tôt, car le vélo, ça fatigue.
Étape 2 : Rambouillet – Longny-au-Perche 101 km
Après un petit déj’ cher et mesquin (vraiment pas top ce camping Rambolitain), nous nous dirigeons vers la grande surface du coin pour trouver des pneus neufs. Nous optons pour une jolie paire de demi-slick d’entrée de gamme de chez Michelin qui feront parfaitement l’affaire mais qui nécessiteront de déplacer le dérailleur et donc de le dérégler et donc de bien se prendre le chou. Nous repartons vers 10h30 sous un soleil de plomb. Je trace un nouvel itinéraire en direction de Nogent-le-Roi qui est moins agréable que la route prévue initialement mais nous passons une assez agréable matinée. Vers midi les premières gouttes de pluie font leur apparition pendant que nous faisons les courses pour le pique-nique. Nous reprenons la route en espérant trouver un abri pour manger au sec et trouvons refuge dans le renfoncement d’un garage à tracteurs. Sexy. Les petites gouttes se transforment en grosses gouttes et les grosses gouttes en pluie qui ne cessera quasiment plus de tomber pendant 3 jours. Une fois les sacoches mises sous bâches et nos carcasses sous capes de pluie, nous reprenons la route sans entrain, avec comme seul mire la prochaine terrasse de café couverte où nous pourrons boire un petit café bien chaud. En milieu d’après-midi, nous quittons définitivement l’Île de France pour rentrer dans le Perche. Si un jour vous passez par là, je vous recommande tout particulièrement la route qui va de Jaudray à Senonches, un faux-plat en ligne droite de quatre ou cinq kilomètres dont on ne voit pas le bout et dont la remontée semble durer des heures. Avec la pluie, le vent et une grisaille digne d’un mauvais mois de novembre, c’est tout simplement désespérant et c’est sans plaisir que nous bouclons les 101 km de cette étape.
À notre arrivée, nous sommes accueillis comme des héros par le personnel du camping, adorable et très arrangeant. La piscine chauffée et couverte n’attendait que nous. Une accalmie nous permet de monter la tente au sec et nous fonçons à la piscine que les propriétaires laisseront ouverte bien après l’heure de fermeture pour nous permettre d’en profiter. Royal !
Le restaurant du camping est excellent, le service aux petits oignons et les rillettes maison offertes avec l’apéro font oublier la galère de la journée. La soirée s’étire ainsi dans la douceur du soir, permettant à la jauge de motivation de remonter à un niveau correct. Et de la motivation, le lendemain, il va en falloir un paquet !
Étape 3 : Longny-au-Perche – Bagnoles-de-L’orne 107 km
Après une nuit peu reposante rythmée par des trombes et des trombes d’eau qui s’abattent bruyamment sur la tente, nous perdons deux heures à tenter tant bien que mal de replier notre bivouac et re-préparer les vélos. Tout est trempé et nous devons nous résoudre à replier la tente mouillée en espérant que l’intérieur, qui a bien résisté pendant la nuit, ne prenne pas l’eau au cours de la journée.
Nous quittons le camping vers 10h et nous retrouvons aussitôt sur la route la plus pourrie du monde alternant des côtes à angle-droit avec des faux plats interminables. Nous mettons près d’une heure à boucler les 10 premiers kilomètres et nous arrêtons dans une station service de campagne où nous prenons un café pas si mauvais que ça à l’abri devant les pompes à essence, trempés jusqu’aux os et franchement démoralisés. Le compteur affiche une moyenne de 13km/h et il nous reste 90 km à parcourir. Nous reprenons la route avec le moral dans les chaussettes. Heureusement, nous quittons presque aussitôt la route principale pour emprunter une route de forêt de près de 10 km, tout en descente, que nous avalons en un rien de temps.
Le reste de la matinée sera moins déplaisant. La pluie cesse enfin et nous roulons ainsi, enfin au sec, sur une route quasi plate, pendant une bonne trentaine de kilomètres. Nous arrivons enfin à Sées, ancienne cité épiscopale particulièrement agréable, où nous pique-niquons sous l’auvent d’un magasin de bricolage. Au moment de repartir, nous avons même droit à quelques rayons de soleil qui nous permettent de profiter de la beauté de cette charmante bourgade. Nous quittons assez vite la route principale et empruntons la route qui va nous permettre d’en découdre avec le relief de la superbe forêt d’Écouves mais, là encore, la fête est gâchée par la pluie qui se remet rapidement à tomber. Nous avons juste le temps de nous rééquiper avant d’être pris dans un énorme orage. Nous pédalons comme des furieux puis arrivons à un abri fort opportunément disposé au cœur de la forêt. Nous laissons passer un, puis deux orages et commençons à très sérieusement envisager d’abandonner. La pluie finit par se calmer et nous repartons, car il faut bien repartir. La suite sera plus agréable que prévue avec une simple bruine et une route heureusement superbe et très variée.
Nous roulons à un bon rythme et arrivons enfin au camping de Bagnoles où quelques timides rayons de soleil nous permettent de monter la tente au sec et même de la faire sécher à peu près correctement.
Nous sommes exténués et renonçons à visiter la ville pourtant très agréable. Nous mangeons ce que l’on trouve au snack du camping où tout le monde est adorable. Tom qui est un couche tôt, m’abandonne rapidement et je passe la soirée à surfer dans la salle commune, larvé dans un canapé confortable et enfin au sec et au chaud. Sans ces soirées plutôt agréables, il est assez probable que j’aurais fini par jeter l’éponge.
Étape 4 : Bagnoles-de-L’orne – Villedieu-les-Poêles 91 km
Ce matin, il bruine encore et ça commence à devenir vraiment très casse-c… L’étape d’aujourd’hui est censée être la plus longue puisque nous avons prévu de dormir à Villedieu-les-Poêles en faisant un gros crochet par Avranches, histoire de jeter un œil sur la baie du Mont-Saint-Michel. Nous commençons par traverser la ville qui est décidément vraiment très mignonne et qu’il faudra que je revienne visiter un de ces quatre, puis nous attaquons une côte d’environ trois cent cinquante kilomètres sous une pluie de nouveau battante, avec en prime, ce matin, un thermomètre qui est tombé dans les chaussettes et qui nous glace le sang. Nous sommes littéralement frigorifiés, trempés, la route ne cesse jamais de grimper et nous en avons tellement ras la couenne que j’en jetterais mon vélo contre un mur. Je manque tellement de lucidité que je ne comprends même plus ce que j’ai écrit sur mon road book pourtant parfaitement préparé et j’entraîne Tom sur une route qui part complètement dans la direction opposée. Au bout de quatre kilomètres, il s’étonne de ne voir nulle part le nom du bled que je lui ai annoncé et je constate en plein milieu d’une descente que nous sommes en train de partir du mauvais côté. Le GPS nous remet sur la bonne route monnayant cinq kilomètres supplémentaires. Après une pause café que nous étirons déraisonnablement, nous reprenons la route sous une pluie diluvienne. Nos pieds massèrent dans des chaussettes trempées, nos pompes sont remplies d’eau et nous ne sommes pas loin de craquer. Nous pique-niquons sous un abri bus comme deux âmes en peine en mode Caliméro. Moi qui, comme chacun sait, ne me plains jamais, c’est dire 😉
Nous décidons d’écourter au maximum l’étape et traçons une ligne droite vers Villedieu sans passer par la case Avranches. La route est d’ailleurs finalement plutôt agréable et une petite accalmie nous permet d’augmenter l’allure de façon significative et d’arriver au camping relativement tôt. Le soleil se montre enfin. Nous profitons du confort du camping et passons une fin de journée très agréable mais Tom a sa dose et prends la décision de ne pas aller jusqu’à Valognes où il est censé prendre le train de 19h le lendemain. Il envisage même un temps de prendre le train directement à Villedieu. Je le convaincs néanmoins assez facilement de nous dérouter vers Carentan qui se trouve à « seulement » 60 km de là et que nous pourrions rejoindre rapidement en partant tôt le matin. Je passe donc une partie de la soirée à tracer un nouvel itinéraire et opte pour la ligne droite en espérant que la route choisie ne soit pas trop fréquentée.
Étape 5 : Villedieu-les-Poêles – Carentan – Quettetot 111 km
Il fait enfin beau et mes chaussures sont sèches. Je peux donc aller au bout du monde ! Nous avons la bonne surprise d’avoir un petit vent de dos et surtout un parcours quasiment plat, ponctué régulièrement par des montées assez courtes et suivies, forcément, par de belles descentes longues et régulières. Le pied quoi ! L’objectif est d’intercepter le train de 14h. Nous roulons à une moyenne exceptionnelle de 23 km/h, prenant toutes les montées en danseuse sans repasser sur petit plateau et en envoyant du 35 voire du 40 km/h sur le plat, ce qui, vu le poids de nos montures chargées, est quand même pas mal et nous redonne la gniak. Nous arrivons à Carentan à midi sous un beau soleil, les cuisses en feu mais content d’avoir enfin pu faire du vélo et pris du plaisir à rouler. Après une pause tartiflette (ben quoi ?) je largue Tom à la gare et l’abandonne à son destin puis reprends la route. Environ 4 minutes plus tard, je m’aperçois que mon pneu arrière est à plat. N’ayant pas de chambre à air de rechange, je passe un bon quart d’heure à chercher la fuite sans y parvenir et me résigne à regonfler à bloc sans réparer en espérant que ça tienne jusqu’à l’arrivée.
Pour tout vous dire, à ce moment là, je commence à être très légèrement agacé et finalement pressé d’en finir et de passer à autre chose.
Alors que l’objectif était de faire cette année un itinéraire 100% inédit, je me retrouve sur une route que je connais par coeur et c’est donc en vieil habitué que je me dirige vers Saint-Sauveur-le-Vicomte. Comme il était écrit que ça serait galère du début à la fin, le vent de dos tourne aussitôt pour se transformer en vent de face et c’est donc en peinant seul face au vent que j’avale les 30 kilomètres assez pénibles qui me séparent de Saint-Sauveur. Je commence à payer les pointes de vitesse du matin et me battre avec le vent avec un pneu arrière sous-gonflé a raison de mes dernières forces. J’arrive devant la voie verte très diminué et vraiment fatigué. J’hésite à l’emprunter, je sais que les cailloux vont me freiner et qu’il y a, dans cinq kilomètres, un long faux-plat fatiguant mais je décide d’y aller quand même car c’est vraiment une route magnifique et surtout très tranquille. Je suis néanmoins obligé de faire un longue pause à mi-chemin puis je me traîne péniblement jusqu’à Bricquebec où je reste cinq bonnes minutes à contempler la côte de Cattigny sans parvenir à me résoudre à m’y coller. Mais bon, quand faut y aller… Un quart d’heure plus tard et un peu au bout du rouleau, j’arrive néanmoins enfin à Quettetot où le comité d’accueil est là et bien là.
Épilogue
Voila, c’en est fini de la Baladavélo#5 mais très franchement, j’en garde un gout un peu amer. Nous avons traversé sans prendre de plaisir des paysages magnifiques mais au lieu de prendre le temps de m’arrêter pour faire des photos, j’ai passé mon temps à me battre avec les housses de protection de mes sacoches pour tenter de préserver mon barda. J’ai crevé de froid en plein mois d’août, j’ai mangé assis en tailleur sur des parkings de supermarché et j’en suis arrivé, par moment, à détester le vélo. Au final, je n’ai même pas l’impression, comme les premières fois, d’avoir accompli un exploit personnel ou relevé un défi sportif. J’étais juste content d’arriver, content d’en finir et content de ne pas avoir à faire de vélo le lendemain.
Enfin ça c’était hier, parce qu’aujourd’hui, en regardant la carte de la Manche accrochée à la porte des toilettes, je me suis surpris à me demander par où j’allais passer l’année prochaine. Ça me laisse un an pour convaincre Tom de remettre ça une quatrième fois. Un an. M’est avis que ça ne sera pas de trop…