Soleil et chaleur pour un (petit) record au parfum aigre-doux
Dimanche, y’avait course. Et pas n’importe quelle course, Zeu course, celle que j’attends toute l’année avec une impatience non dissimulée. Pourtant, ce Paris-Versailles là, maintenant qu’il est couru (et pas trop mal couru, soit dit en passant) n’a pas vraiment la même saveur que les deux autres. Il me laisse, finalement, un petit gout de je ne sais quoi, un brin déplaisant.
Traveling arrière
Nous sommes au mois d’avril. Alors que je guette quasi quotidiennement sur l’intranet du boulot l’ouverture des inscriptions pour le Paris-Versailles, je vois arriver les inscriptions pour… les 20 km de Paris qui tombent toujours après. Intrigué, je téléphone au service qui s’occupe de cela et j’apprends avec une pointe de désappointement que les inscriptions pour Paris-Versailles sont closes depuis plus d’un mois. Absent pendant plus de trois semaines pour cause de voyage en Asie (y’a plus grave comme problème, je vous l’accorde), la fenêtre s’était ouverte et refermée sans que je m’en aperçoive. Qu’à cela ne tienne, comme je renonce chaque année à m’inscrire aux 20 km de Paris pour cause de Paris-Versailles, ça sera l’occasion de découvrir cette course qui, parait-il, est formidable.
Quelques mois plus tard (oui, oui, c’est une histoire sur plusieurs mois, on croirait pas mais je mène une vie très trépidante) je parviens à trainer dans mon sillage un groupe de potes pour participer à la Crazy-Jog, une course urbaine à obstacles dans, sous, sur et autour du Stade de France. Au milieu de cette bande de runners hétéroclite, notre seule coureuse, chargée d’apporter une touche féminine à notre team de choc y laisse malheureusement un genou en sautant d’un container et est contrainte à l’abandon.
De mon côté, titillé depuis déjà quelques années par l’envie de me frotter enfin au marathon, je décide de m’inscrire à celui des bords de Marne qui se court fin octobre et j’attaque donc une prépa marathon assez contraignante avec un volume de course hebdomadaire qui dépasse les 5 heures de course à pied, s’ajoutant aux entraînements de vovinam, aux animations roller, aux déplacements en vélo et ne laissant donc pas beaucoup de place pour faire autre chose que d’essayer d’y survivre.
Et puis voila qu’il y a trois jours, je reçois un mail m’apprenant que le genou de [amis cinéphiles, notez l’astuce] n’a pas guéri, qu’il nécessite un arrêt complet de la course à pied privant sa propriétaire de la possibilité de courir son 4e Paris-Versailles pour lequel elle est pourtant inscrite depuis des lustres. Elle me propose de courir à sa place histoire que le dossard ne soit pas perdu pour tout le monde. Aie, aie, aie ! Déjà que je culpabilisais de l’avoir entraînée dans le casse-patte du Stade de France, voila que s’offre à moi la possibilité d’enfoncer le clou en lui chipant son dossard. Le malheur des uns ferait-il vraiment le bonheur des autres ? Après quelques tergiversations dont je vous épargne les détails, je finis par me dire que ça serait quand même trop bête et j’enfourche mon vélo pour foncer à Issy-les-Moulineaux chercher le dossard.
Vicissitudes d’un apprenti marathonien
Pas le temps de réfléchir, je réorganise mon plan d’entraînement qui ne ressemble déjà pas à grand-chose en casant cette course ni courte, ni longue et décline définitivement la proposition pourtant alléchante de courir également l’Odysséa avec l’équipe de la Croix-Rouge le dimanche suivant parce que faut pas pousser quand même…
Bien entendu, à 5 semaines du marathon, il eut été raisonnable de courir ce Paris-Versailles un ton en dessous pour faire durer le plaisir et remplacer la sortie longue de 2h15 prévue ce dimanche mais avec un record perso à 1h26 établi l’an dernier et parfaitement à ma portée, la tentation était trop forte. Je décide donc d’y aller à fond les ballons et advienne que pourra.
Me voila donc ce matin et pour la première fois obligé de faire la queue (d’habitude je pars en sas préférentiel avec tous mes collègues, juste derrière les élites à 10h pile) et arrive donc très tôt au pied de la Tour Eiffel. Mon sac poubelle prévu pour me protéger du froid ne me sert à rien car il fait déjà une chaleur étonnante pour un début d’automne. Je m’assois dans la foule et attends patiemment que le départ soit donné. Étant arrivé plus d’une heure en avance je suis idéalement placé et je pars avec la douzième vague avec devant moi, non pas comme les autres années une centaine de Kényans lancés comme des fusées mais pas loin de 4000 coureurs de tous niveaux dont une bonne moitié qu’il va falloir doubler, grande nouveauté pour moi sur cette course.
Comme d’habitude je pars beaucoup trop vite et comme d’habitude je me crame en quelques minutes. Mon GPS me donnant des vitesses complètement délirantes, je me fie uniquement à mes sensations et Je passe le premier kilo en 4’20 ce qui vu mon niveau est juste suicidaire. Je lève donc le pied mais même en essayant de me brider, les kilomètres défilent sur des bases beaucoup plus rapides que sur 10 km, aux alentours de 4’50 au kilo. J’arrive donc au pied de la côte des gardes avec une avance confortable pour battre mon record de l’an dernier. Mais je suis mort.
J’aborde donc cette vilaine côté avec humilité et applique à la lettre les trois conseils donnés par Dominique Chauvelier au départ, regarder le sol, tirer sur le bras, ne pas partir trop vite. Et ça passe, comme dans du beurre, merci Chauchau. J’avale les 2 kilomètres de côte en un temps très correct sans marcher une seule fois, en mode automate en me répétant que si je n’ai pas le mental pour grimper ça, c’est pas la peine d’espérer boucler un marathon. J’arrive dans le bois de Meudon un peu cuit mais pas encore enterré et je relance aussitôt malgré la chaleur qui commence à devenir un peu pénible.
Le ravito, enfin. Je suis en surchauffe. Je décide de prendre mon temps et je marche le temps de bien me rafraichir puis je repars avec les jambes un peu lourdes. S’ensuivent les traditionnelles montagnes russes alternant de magnifiques descentes qui permettent de bien balancer et les petites côtes casse-pattes bien pénibles. Et puis, arrive la dernière bosse et tout se détraque. Mes jambes ne me portent plus, je suis incapable de mettre un pied devant l’autre. Je décide de tenter la marche rapide et si je parviens à doubler tous les marcheurs, tous les coureurs, même les plus lents remontent inexorablement. Mince, zut, flute ! (je traduis car il y a des enfants qui lisent ce blog) me dis-je alors et après m’être mis un petit coup de pied aux fesses, je me remets à trotter, puis à courir. Après ce 14e kilomètre calamiteux bouclé en 5’57 j’aborde enfin la rue de Paris, très fatigué, en me disant que tout cela est de bien mauvaise augure pour le 30 octobre.
Interminable !
On le dit chaque année, on a beau le savoir, quand on y est, on a vraiment l’impression que ça ne va jamais finir. Ce fichu faux-plat montant de près d’un kilomètre et demi est vraiment l’un des plus pénibles que je connaisse. J’essaye de me maintenir à mon allure de fin de 10 km mais mes jambes ne sont pas d’accords. Je baisse un peu le régime, me cale à un peu moins de 12 km/heure et je serre les dents. L’arche apparaît enfin, j’en suis à 1h23 mais plus je m’approche et plus elle recule. Les secondes s’égrènent. J’essaye d’accélérer progressivement et puise assez profond pour trouver la force de sprinter un peu et arrache finalement un chrono à 1h25 et un nuages de secondes me permettant de passer sous les 1h26 et de battre au passage mon record d’une quinzaine de secondes. 15 petites secondes, dans l’absolu, ce n’est pas mirobolant mais à y regarder de plus près, c’est tout de même très satisfaisant, surtout avec une telle chaleur qui a fait ralentir tout le peloton. Je gagne en effet un peu plus de 1500 places par rapport à l’an dernier et comme il y avait cette année 2000 finishers de plus, cela me permet pour une fois de me placer dans le premier tiers du classement.
Pour autant, là où l’an dernier j’avais ressenti un grand bonheur en passant la ligne, je me suis senti, ce matin, un peu dans la peau d’un imposteur, comme si je n’avais pas vraiment le droit d’être là et encore moins d’être content. Enfin bon, je suis un peu content quand même hein, et l’an prochain… je reviendrai 😉