Sortie au bois entre copines
En sport en général et en course à pied en particulier, y’a des jours avec et des jours sans. Des jours où les jambes sont alertes, où courir au grand air apporte, avec le rose au joue, un bonheur qui fait plaisir à voir et des jours où chaque pas est pesant et chaque foulée une corvée. Et des fois c’est tellement des jours sans qu’on est fatigué avant même de commencer à courir. C’est un peu ce qui s’est passé ce dimanche.
La veille, après avoir traversé Paris en roller pour aller chercher mon dossard, j’avais la sensation que cette seule sortie, très sympa par ailleurs, m’avait apporté assez de bonheur endorphinien pour les 10 jours à venir. La seule chose dont j’avais envie c’était de m’enfoncer dans mon canapé et de ne plus jamais en sortir.
Le dimanche matin, ce n’est pas pire, mais c’est loin d’être mieux. La seule perspective de me rendre à Vincennes en vélo m’épuise et c’est en bagnole que je prends la direction du bois de Vincennes en maugréant. Je mets une plombe à trouver une place à 2 kilomètres du château, passe 10 minutes à essayer de faire rentrer ma bétaillère dans une place à peine assez grande pour y garer une Clio et finis par me rendre en pestant vers l’esplanade du Château.
J’arrive juste à temps pour applaudir à tout rompre les bambins qui courent avec une énergie que je n’aurais plus jamais et un plaisir intact qui me manque cruellement. J’ai pas, mais alors pas du tout envie de faire une course aujourd’hui.
Et puis pourquoi diable me suis-je inscrit à ce trail qui n’a rien pour me séduire. Un trail plat (rien que ça c’est juste pas possible) en 2 boucles (je ne fais jamais de course à plusieurs boucles, je déteste ça) dans le bois de Vincennes (je n’aime pas y courir, il me rappelle le calvaire de mon premier et unique marathon et je n’y ai jamais recouru depuis).
Mais bon, maintenant que je m’y suis trainé, autant essayer d’en profiter. Il fait beau, l’ambiance est bon enfant et bien que je sois crevé, il ne s’agit finalement que de 14 petits bornes qu’on va tâcher d’avaler comme ils viennent. Le parcours ne présente pas la moindre difficulté si ce n’est une petite butte à grimper et redescendre 2 fois et quelques rondins déposés au milieu des sentiers pour corser un peu l’épreuve. Je décide de courir tranquillement en endurance en visant 1h30 maximum.
Le départ est donné, je trotte gentiment en gardant un rythme de 6 minutes au kilomètre. Très vite, je me retrouve derrière 2 coureuses très régulières qui en suivent une troisième qui court avec une aisance déconcertante et la régularité d’un métronome. Je ne suis pas le seul à les avoir repérées car une nuée de coureurs peu performants et haletants tentent de rester accrochés et s’épuisent en respirant bruyamment. Pour moi c’est parfait, je déconnecte mon cerveau et me place 3 mètres derrière. Le temps passe. C’est sympa mais un peu chiant quand même.
Et puis ça fait un peu désordre. Pousse-toi aux fesses Mimi ! J’accélère. Fort. Je les laisse sur place, mais évidemment, personne ne le sait à part moi. Je suis bien là, rapide, filant comme l’éclair vers la fin du premier tour.
Au premier ravito je ralentis légèrement, je suis un peu dans le rouge et j’ai soif. Je me saisis d’un gobelet, tourne la tête et assiste, consterné, au passage de mes trois coureuses qui sont tellement faciles qu’elles ne s’arrêtent pas pour boire. Alors voila, tous ces efforts inutiles pour gagner 12 secondes et les reperdre en un instant. Lamentable.
Le choix est limité. Tenter de les re-doubler, m’assoir par terre et pleurer ou, humblement, me caler dans leur sillage silencieusement et finir la course derrière elles. J’opte pour la troisième option bien que la seconde m’ait largement tenté.
Je les rattrape très facilement et me cale derrière elle. Des machines. Un bénévole lâche un « allez, bravo messieurs-dames ». Messieurs-dames ? Mais on est qu’entre filles ? je me sens obligé de sortir du bois. « non non je suis là aussi, silencieux mais bien présent ». Suspens, vont-elles m’autoriser à continuer avec elles ? On dirait bien. Et puis des quatre, c’est moi qui ai les cheveux les plus longs, ça compte.
Nous finirons ensemble. Je joue un peu les machos dans la grande ligne droite où nous ramassons le vent pleine face. Je passe devant, c’est moi le plus large, je vais protéger ces dames. « Oh, il nous abandonne ». Surement pas, ça serait mesquin. À peine retournés dans la forêt, la meneuse reprend sa place et continue à nous trainer. Ces dames proposent de sprinter à 1 km de la fin, et de passer la ligne tous les quatre. Nous nous alignons et accélérons, doublant au passage un bon nombre de coureurs. Devant la ligne, je m’efface et les laisse galamment passer. Faut pas pousser non plus, je ne finirai pas devant elles, ça serait indécent. Nous passons la ligne en 1h21’53″ dans un état de forme plutôt meilleur à l’arrivée qu’au départ en ce qui me concerne, ce qui en dit long sur le non exploit sportif que je viens de réaliser.
Ambiance bonnes copines, on se fait la bise et un selfie, j’adore ! Médaille, ravito, retour interminable jusqu’à ma bagnole en maudissant ma paresse et retour au bercail avec le sourire. J’apprends le surlendemain qu’au passage, nous ne nous classons pas si mal (226e sur 338, j’ai fait bien pire). Alors merci mesdames et à la prochaine sur un petit trail (enfin celui-là, soyons clair, c’est pas dit du tout que je le recours un jour).
© Photos : Ferdinand Rodil – Montoubib