En touriste sur le classico lozérien
Ben voilà. Je pourrai dire que je l’ai fait. J’ai couru le Marvejols-Mende. Je l’ai marché un peu aussi. J’ai passé la ligne d’arrivée sous les applaudissements, j’ai récupéré ma bouteille de que s’apelorio Quezac et j’ai, moi aussi, déambulé tout le dimanche après-midi dans le centre-ville mortifère de la préfecture Lozérienne au milieu de tous les autres finishers, reconnaissables à leur tee-shirt fluo, leur chapeau Daunat ou leur demi-pression.
Je n’ai pas participé à l’after consistant à courir le cul à l’air en fin de soirée avec 2 grammes dans le sang parce que ce n’est pas le genre de la maison mais en dehors de cela, je crois que je peux désormais rayer de ma liste ce célébrissime, pour ne pas dire légendaire, semi-marathon qui n’en est pas tout-à-fait un.
Et puis aussi, je vais pouvoir passer à autre chose. Parce que voilà, pour être tout à fait honnête, je suis un peu passé à côté de la fête. Je n’en garderai pas un mauvais souvenir, mais ce dont je suis le plus content finalement, c’est que ça soit terminé.
The legendary race
Cette course mythique, ça fait facilement 10 ans que je me dis qu’il faudrait que je m’y frotte. Pensez donc, 22,4 km, deux cols à grimper, un peu plus de 600 mètres de dénivelé positif et une météo souvent accablante puisque la course a lieu en plein mois de juillet. Même pas peur. Et puis il y a l’esprit Marvejols-Mende. La course des précurseurs, le petit vent libertaire qui souffle dans les sapins. C’est sans doute vrai, j’dis pas. Mais disons que si on m’l’avait pas dit, j’aurais pas pu deviner tout seul.
C’est donc décidé, cet été, on fait un crochet par Mende ! Nous y arrivons le vendredi après une semaine de rando fatigante dans les Pyrénées. Le samedi, nous profitons d’être dans cette magnifique région pour se faire un petit canyon dans les Cévennes. Pas épuisant car très ludique, mais clairement pas reposant. Comme manière de faire du jus, on repassera. Le dimanche matin, je me lève à 6h du mat pour prendre la navette qui doit m’emmener à Marvejols. J’y arrive vers 7h, dans la fraicheur du petit matin, inquiet de savoir où je vais bien pouvoir passer les deux heures qui me séparent du départ de la course. Je trouve refuge dans la salle des fêtes où je somnole pendant une heure et demie. Pas insupportable mais pas vraiment fun non plus.
Je ne me suis pas formidablement entraîné mais je suis en bonne condition physique. J’ai énormément roulé ces dernières semaines et j’ai un peu couru. À Paris, entre deux épisodes de canicule et assez sérieusement dans la montagne. Je ne suis donc pas très inquiet quant au fait d’en venir à bout, d’autant que la distance reste raisonnable.
La caisse est là, ce qui va me manquer c’est la vitesse. Et l’envie aussi. Je n’ai pas envie de me faire mal, pas envie de me taper dedans, je suis en vacances, pas question d’être en vrac pendant une semaine. Et comme le parcours est terrible, je compte l’aborder humblement.
Les 5 premiers kilomètres sont en faux-plat montant, impossible d’allumer comme sur les premiers kilomètres de Paris-Versailles. Les 600 mètres de dénivelé seront un gros problème également. Je me fixe donc comme objectif officiel de faire moins de 2h30, espérant secrètement être le plus près possible des 2h15 si je me sens en jambes.
C’est parti
Je mets une petite minute à passer la ligne de départ et me mets à trotter bien au chaud dans un peloton très compact. Je suis à ma place dans un groupe assez dense composé essentiellement de coureuses de tous âges et de coureurs très âgés 😀
Il ne me faut pas plus de 5 minutes pour comprendre que ça sera un jour sans. J’ai les jambes lourdes des mauvais jours. J’avais prévu de courir le début à 11km/h mais je revois immédiatement ma stratégie de course à la baisse. Je m’interdis de descendre sous les 10 km/h mais j’ai l’impression de tracter une remorque tellement je me traine. J’essaye de ne pas penser à ce qui m’attend mais ce début de course est vraiment désagréable.
Après 5 kilomètres de balade champêtre, nous attaquons l’ascension du col de Goudard.
Je me rends compte que je n’avais pas du tout mesuré ce qu’était cette course. Les inscriptions tracées à la craie sur le bitume sont pourtant limpides : « l’enfer commence ici ! ». C’est un peu exagéré mais c’est un col donc, un vrai col, un truc à x% interminable en lacet. La côte des Gardes à côté, c’est de la blague. Je cours. Puis plus trop. Puis plus du tout. Marcher en trail, ça ne me gêne pas. Marcher sur le bitume, c’est plus perturbant. Je marche vite par contre, plus vite que les coureurs qui m’entourent, ce qui me permet de gagner plusieurs dizaines de places à moindre frais.
C’est long, c’est dur, c’est chiant et c’est même pas tellement beau puisque la grisaille gâche un peu le tableau. Arrivé au sommet par contre, c’est beau. Très. La vue est somptueuse. On aurait presque envie de se poser là et de faire des photos. Mais bon, c’est une course, faut pas déconner non plus.
Et comme les meilleures choses ont une fin, il convient désormais de redescendre.
Monter, descendre, tout ça, tout ça…
Dilemme. Lâcher tout et risquer la casse ou être raisonnable ? J’ai très envie d’envoyer car je sais qu’en me retenant, je vais faire hurler les muscles de mes cuisses. D’un autre côté je ne peux m’empêcher de me revoir en train de boiter à la fin du trail des sentiers d’Allonne et ce souvenir épouvantable freine très efficacement mes ardeurs. Je décide donc d’y aller mollo. Bravo Mika, tu as été très raisonnable. Et puis quoi, on n’est pas bien là, en train de descendre à 12 km/h une pente qu’on pourrait prendre à 70 en vélo ? Ben non, on n’est pas bien ! On s’emmerde !
La descente est interminable. Les impacts sont féroces et le fait de ronger mon frein gâche un peu le plaisir mais ces quelques kilomètres permettent de rattraper un peu le temps perdu et de bien récupérer. J’ai du souffle à revendre et encore un peu de jus sous la semelle. J’aborde donc la suite du parcours dans un état de fraicheur tout à fait acceptable. D’autant que le parcours est assez agréable. Une longue portion quasi plate permet de bien dérouler avant d’attaquer la seconde grosse difficulté : le col de la Briquette.
J’attaque cette seconde ascension sans état d’âme. Je cours tant que je peux puis lorsque ça devient vraiment trop dur, je marche. la côte de Chabrits est moins raide que le premier col. J’alterne donc les passages marchés et je parviens même à courir, pas très vite il est vrai, mais à courir quand même, sur les portions les moins abruptes.
Les kilomètres défilent, j’accélère un petit peu pour ne pas trop m’éloigner de mon objectif bien qu’à ce moment là de la course, ça ne soit pas du tout une préoccupation majeure. J’ai surtout envie d’arriver, de manger et d’aller faire la sieste. Et le plus vite sera le mieux.
Il reste 4 kilomètres dont 3 de descente et le compteur tourne. J’ai déjà mis plus de 2 heures à faire ces 18 kilomètres. C’est irrémédiablement cuit pour les 2h15 et si je ne me magne pas un peu je vais finir par faire 2h45 ce qui serait vraiment une honte. Je vois Mende au loin, tout en bas. Je décide de ne pas me préoccuper du dernier kilomètre tout en montée et d’y aller franchement. J’avale les trois kilomètres de descente aussi vite que je peux et comme prévu, je suis complètement scié en arrivant à Mende.
Je déconnecte mon cerveau et fais le dernier kilomètre au moral. Ça grimpe, c’est éreintant mais ça passe. Je m’autorise même un petit sprint à l‘arrivée pour doubler trois ou quatre V3 au bout du rouleau. Même pas honte.
Je passe la ligne en 2h29, contrat rempli. Je finis 1795e sur 2378. C’est pas grave. Je récupère ma joli médaille et quelques victuailles et rejoins mon staff avec le sourire mais sans avoir la sensation d’avoir fait la course de ma vie, loin s’en faut.
Rétrospectivement, je me dis que c’est pas si mal de ne pas avoir mis la barre trop haut. il est peu probable que je recours ce semi un jour mais si d’aventure ça me reprenait, ça sera pas bien compliqué de faire mieux 🙂