La course du Run 2017

De l’eau jusqu’au nombril pour une édition fatigante

La course du Run, je ne cesse de le répéter, est une course formidable quoique difficile. Cette année, elle fut, définitivement formidable mais exceptionnellement difficile. Comme jamais. Les flaques cette année, n’étaient pas des flaques mais des abysses. On n’a pas couru dans l’eau, on y a coulé ! De l’eau jusqu’au nombril dans les pires creux, de mémoire, ça n’était jamais arrivé. Alors évidement, tout le monde a ralenti. Enfin, presque tout le monde. Le vainqueur de l’an dernier qui l’avait emporté en 27 minutes en a mis deux de plus cette année. Il n’a d’ailleurs fini que second, le premier affichant un chrono épatant à 29 minutes 15. À leur niveau deux minutes, c’est un océan. C’est important d’avoir cela en tête pour comprendre pourquoi je savoure avec un immense plaisir d’avoir fait mon meilleur classement et mon meilleur chrono sur cette course, améliorant la marque de l’an dernier de plus d’une minute. Content je suis, ravi même, et je tenais à ce que tout le monde le sache.

Et puis cette course a un côté magique. Pour commencer, il y fait toujours beau. Difficile à imaginer au vue de l’été exécrable que nous avons eu mais cette édition n’aura pas échappé à la règle. Le soleil a brillé pendant toute la course, alors qu’on ne l’avait plus vu depuis un paquet de temps. La marée quant à elle, est toujours capricieuse. Le départ est souvent retardé parce qu’il y a trop d’eau. Cette année, toute le monde devait vouloir en découdre car nous sommes finalement partis alors qu’il y avait encore de l’eau sur l’Île de Tatihou et de l’eau, on en a bouffé comme jamais.

C’est parti !

Je me suis levé avec l’envie d’en découdre. Je suis bien entraîné, bien reposé mais je passe quand même une assez mauvaise journée à attendre l’heure H, anormalement stressé. Il n’y a pas d’enjeu particulier mais je sens que je l’ai dans les pieds celle-ci et une contre-performance me contrarierait.

Lorsqu’à 19h05 le départ est enfin donné, je m’élance à 12 km/h, vitesse à laquelle je n’ai plus couru en compétition depuis des années. Le sable est bien dur et la plage en léger devers, ce qui me permet d’allonger ma foulée. Je cours ainsi le premier kilomètre en à peine plus de 5 minutes sans pour autant être dans le rouge et j’arrive sur le Run qui mène à la presque-île avec la gnaque des bons jours. Le sol est très irrégulier, tout le monde ralentit, moi aussi mais personne ne me double et d’ailleurs, je ne me ferais presque plus jamais doubler jusqu’à la fin. Parti dans le dernier tiers du peloton, j’y resterai jusqu’au bout. Arrivé dans les flaques, je cours tant que je peux mais au bout d’un moment, ça devient impossible. Avancer ainsi est épuisant, j’envisage même sérieusement de me mettre à nager mais me retiens par peur du ridicule.

J’en sors exténué. J’ai un mal fou à relancer mais je m’accroche. Je ne cours plus qu’à 10 km/h en soufflant comme un bœuf. Je serre les dents et attaque la partie la plus casse-pattes. Sur l’île, le terrain change tous les 50 mètres. Sable mou, gravier, herbes hautes, caillasses, les changements de rythme sont incessants et épuisants. Tout le monde souffre mais je suis dans un groupe d’une vingtaine de coureurs qui relancent à chaque fois. C’est épuisant mais motivant. L’entrée dans le fort signe la libération, le plus dur est fait. Je perds une dizaine de places en décidant de prendre un verre d’eau au ravito mais je suis exténué et assoiffé. Je manque de m’étrangler en essayant de boire en courant et perd à nouveau une bonne vingtaine de places que je ne regagnerai pas.

Je repars, parvenant à maintenir une allure un peu plus rapide que sur semi-marathon. Je surveille ma montre, interdiction de descendre sous les 11 km/h, j’accélère. Un peu. C’est dur. Deux petits jeunes essayent de me doubler mais c’est  à nouveau les flaques. Le niveau a bien baissé mais ça reste assez profond. Leur jeunesse et leur endurance ne peuvent rien pour eux, il faut des cuisses 🙂 . Ils ne me reprendront pas. Je ré accélère et arrive au niveau d’un groupe de 6 coureurs bien réguliers, je temporise un peu derrière eux puis les double et attaque la remontée de la plage. J’accélère encore mais je suis cuit, je suis dans le rouge et y resterai. Je vise moins de 48 minutes, j’avais fait 49’38 l’année dernière, je veux faire beaucoup mieux. La montée de la cale qui me fusille les jambes chaque année est avalée dans un ultime effort et j’attaque la dernière ligne droite jusqu’ à la capitainerie.

Un tee-shirt orange arrive dans mon angle mort, lui il ne passera pas, dussé-je finir en apnée ! Je me retrouve juste derrière un papy qui a fait la course devant moi depuis le départ, lui non plus ne passera pas. Je vois l’arche à 400 mètres, je décide de sprinter aussi vite que mes petites jambes le permettent. Le tee-shirt orange ne passe pas, le papy non plus. Je passe sous l’arche au bord de l’apoplexie mais je suis très satisfait, je n’ai rien lâché et je me sens aussi vivant qu’on puisse l’être. Il n’y a rien au monde qui apporte de telles sensations. Je finis en 48’21 soit près d’1 minute 20 de mieux que l’an dernier. Mon classement reste modeste, 858e sur 1451 mais c’est mon meilleur ratio (et de loin) sur cette course en 5 participations.

1451… en 2009 lorsque je l’ai couru pour la première fois, nous étions 558 finishers. Cette course remporte chaque année un peu plus de succès et c’est plus que mérité. Elle est épuisante bien sûr, mais très accessible et se court dans un décor sublime et dans des conditions de rêve. Alors, qui vient grossir les rangs du peloton l’an prochain ?

© Photos : Normandie course à pied – Sophie