Retour aux affaires
Il y a très exactement trois ans, j’ai pris le départ de mon premier triathlon sprint, ici, à Paris. La distance sprint n’est pas vraiment la distance reine. C’est une distance ludique, accessible à n’importe quel sportif capable de barboter 10 minutes sans se noyer et qui peut enchainer quelques kilomètres de course à pied après avoir roulé quelques dizaines de minutes. Pas évident mais pas impossible.
Paris est par ailleurs un triathlon un peu particulier. La natation est plus courte qu’un sprint classique (500 mètres au lieu des 750 habituels). Le drafting en vélo y est autorisé, ce qui permet de sucer la roue d’un cycliste plus rapide et de le laisser faire l’effort, pratique impensable sur un triathlon classique qui ne valorise que la performance individuelle. Enfin, c’est un peu la foire et on y voit quelques triathlètes de haut niveau affutés comme des lames, perdus au milieu d’un flot de sportifs occasionnels et de touristes venus pour le fun. Chaque année, il y en même toujours un ou deux qui fait la partie vélo en vélib. Voilà qui donne le ton.
En 2019, alors que je m’y engageais en espérant ne pas finir dans les derniers et arriver à enchainer les trois sports sans être trop lamentable, j’avais contre toute attente bien nagé, bien roulé, pas trop mal couru et j’avais été sidéré de mon super classement (265e/1252) alors que je vise généralement plutôt le milieu de course, m’en approchant souvent mais m’y hissant rarement.
Je m’y étais tellement amusé que j’avais décidé alors que le triathlon deviendrait mon sport de prédilection. Ma carrière de triathlète a cependant assez vite tourné court. Je me suis inscrit quelques mois plus tard sur un autre sprint au fin fond de la Picardie et ça n’a pas été très glorieux. J’ai ensuite participé pour la seconde fois à un micro-triathlon en Normandie assez décevant également, puis ce fut l’hiver, puis ce fut le confinement, puis ce fut la fin du monde.
Un an plus tard, le triathlon de Paris est annulé mais j’arrive à faire un troisième sprint miraculeusement maintenu mais il ne se passe pas beaucoup mieux que le précédent et toutes les autres épreuves sur lesquelles je suis inscrit s’annulent. Les piscines ferment pendant près d’un an et la flamme s’éteint. Le triathlon de Paris 2021 est annulé comme le précédent et je me concentre désormais sur le trail et mes points culminants. Je ne songe donc plus à faire du triathlon et encore moins celui de Paris.
Mais voilà, le mardi précédent la course, j’ai l’opportunité d’avoir un dossard gratuit et je m’y inscris donc sur un coup de tête. Le soir même je fonce à la piscine pour faire tourner un peu les bras et la séance se passe plutôt bien même si j’ai nagé environ 10 fois depuis le début de l’année scolaire, grand maximum. Je ressors le matos de la naphtaline. J’ai une superbe trifonction toute neuve achetée deux ans auparavant et qui n’a jamais servi, une combi de natation qui prend la poussière dans ma penderie depuis deux ans et après avoir fait un peu d’archéologie dans mes tiroirs, je parviens à réunir à peu près tout ce qu’il faut en me demandant quand même quelle mouche a bien pu me piquer.
Comme vous vous en doutez, mon vélo de course et les chaussures de triathlon sont restées en Normandie et le samedi soir, je me souviens que mon gravel est en mode vélotaf et qu’il faut donc que je démonte tout ce qui ne sert à rien dessus. Dans la précipitation je fais une énorme connerie en remettant mal une vis après avoir démonté le porte bagage. Le samedi, en allant poser le vélo à la Villette, énorme frayeur. Je bloque mon dérailleur et fait sauter la chaine qui fait un tour sur elle-même. Incapable de la remettre. Je fonce en courant à côté du vélo chez un réparateur qui me sauve la vie en trouvant l’origine du problème en 10 secondes. Je ré enfourche la bête un peu rassuré et file vers le parc de la Villette.
En sprint, les transitions entre chaque sport ont de l’importance. Les distances sont courtes donc les écarts réduits et comme on est 1500, une seconde de gagnée, c’est une place de gagnée au classement. Je soigne donc mes repérages pour trouver mon vélo rapidement après la nage et prépare mes affaires avec soin (ne rien oublier, surtout ne rien oublier).
C’est parti
Cette année, c’est seulement la deuxième fois que le triathlon de Paris propose un format S (sprint) en plus de la traditionnelle distance olympique (ou plutôt format M depuis que les triathlons sont classés par taille). Pour la première, en 2019, ça avait un peu patiné et cette année, c’est bien mieux organisé. Il y a trois ans, nous avions rejoint les nageurs du M et ça avait été un gros boxon. Cette année, nous partons de Pantin et serons donc seuls à nager dans ce sens-là. Le système de départ par vagues dans des sas distincts est parfait. J’y poireaute longtemps mais sans stress. Je dois juste gérer l’impatience d’y être car l’envie d’en découdre est bien présente. Puis, c’est parti. Nous avons le choix entre sauter ou descendre à l’échelle. J’avais décidé d’être prudent et de prendre l’échelle mais voir les gens attendre patiemment m’insupporte et je saute à l’eau sans réfléchir. L’eau est chaude, la combi ultra confortable, mes nouvelles lunettes parfaites, il n’y a donc plus qu’à.
Dans l’eau c’est un peu moins la bagarre qu’en 2019 mais il y a toujours autant de très mauvais nageurs et la seule option est de passer entre, voire dessus. Les brasseurs surtout et leurs coups de talon sont autant d’ennemis à abattre. Ils balancent leurs pieds dans tous les sens, alors c’est eux ou moi et à ce petit jeu, je me transforme assez vite en brute sanguinaire et si ça ne passe pas sur les côtés, je passe au-dessus sans vergogne. La nage étant très courte, seulement 500 mètres, pas vraiment besoin de s’économiser mais je préfère quand même y aller un cran en dessous afin d’éviter d’imploser. Arrivé à l’échelle, ça s’excite pas mal mais j’arrive à me sortir de l’eau rapidement et cours jusqu’à mon vélo que je trouve immédiatement. Je fais une très bonne transition. Ma combi est enlevée en 3 secondes et j’ai enfin décidé de faire l’impasse sur gants et chaussettes qui me font perdre trop de temps. Comme je n’ai pas de pédales automatique sur ce vélo, je perds un peu de temps à chausser les runnings mais je n’aurais pas à le faire au retour donc l’opération est neutre. Je file ver la ligne de départ du vélo et grimpe sur le biclou rapidement et pédale aussi vite que je peux pour reprendre un maximum de concurents, le vélo étant mon seul point fort.
Contrairement à 2019, je suis un peu seul au monde. Je double énormément mais personne ne me double et donc impossible de prendre une aspiration. Les rares cyclistes qui me doublent sont sur des carbones de triathlon et filent à 50 km/h. Je ne peux que les admirer, pas les suivre. Je continue à doubler et doubler encore, il ne doit plus y avoir beaucoup de concurrents du S devant moi et j’ai intérêt à creuser l’écart car je cours toujours aussi lentement et n’importe quel joggeur du dimanche peut me mettre 5 minutes dans la vue sur les 6 km de course à venir. Il n’y a pas un souffle de vent et j’ai la patate. Je roule seul, arrive parfois à accrocher un cycliste du M qui me permet de souffler mais je les sème dès que je ré accélère et les 20 petits kilomètres sont aspirés très rapidement. Lorsque j’arrive au parc à vélo, il est quasiment vide. Je sais que je suis sans doute aussi bien classé qu’en 2019 mais il va falloir que je cours un peu plus vite que d’habitude si je veux m’assurer un chouette résultat.
Après une transition ultra efficace, j’attaque la partie course à pied un peu essoufflé et je décide de temporiser. En théorie, je devrais courir cette distance à la vitesse de mon meilleur temps sur 10 km mais je n’ose pas. Jusqu’ici tout s’est bien passé, exploser en vol en course à pied me contrarierait. Je fais un premier kilomètre très prudent et je me fais reprendre par des dizaines de coureurs. Au trentième qui me passe devant, je décide de monter peu le rythme. Le second kilomètre est avalé en 5 minutes, et plus personne ne me double ou presque.
J’hésite à maintenir ce rythme, je ralentis légèrement et me cale en 5’20 au kilomètre. C’est confortable et je perds quelques places à nouveau mais je sens qu’à cette vitesse, je vais pouvoir finir dans de bonnes conditions. J’enchaine trois kilomètres réglé comme une pendule en 5’19 et accélère sur le dernier, nettement. J’en ai sous le pied, je me dis que j’ai été trop prudent et que ça m’a surement couté 50 places mais ce n’est pas dramatique. Je suis sur un petit nuage et dans un dernier effort, je boucle le dernier kilomètre en 4’30 et passe la ligne avec la banane des beaux jours. Des bénévoles ultra sympas me remettent un chouette tee-shirt, une belle médaille, et un ravito copieux. Je suis heureux comme un gamin qui sort de son meilleur manège.
Le classement tombe dans l’après-midi, je suis 191e/1464 et surtout 33e vétéran sur 331.
Et voilà, pour la seconde fois en trois ans, le sprint de Paris a rallumé la flamme du triathlon et m’a donné envie de m’y remettre sérieusement et de m’attaquer enfin à la distance suivante, le M.
Quand ? hé bien… le 11 septembre à Bois-le-Roi. Vivement !