Écotrail de Paris 30 km 2022

Balade champêtre en mode « fin de vie »

Samedi matin, je me suis rendu à l’observatoire de Meudon pour la seconde fois en moins de 9 mois pour participer à la version 30 km de l’Écotrail de Paris. L’édition 2021 avait été décalée au mois de juillet et malgré la chaleur, je ne m’en étais pas si mal sorti. Je n’avais pas totalement atteint tous mes objectifs mais j’avais fait largement mieux que sur mes deux premières participations lamentables de 2012 et 2014 et au final j’étais plutôt content. Je m’y suis donc réinscrit sans arrière pensée, avec même un certain enthousiasme bien que je ne sois pas un grand fan du parcours.

C’est la première fois que je m’aligne sur course depuis mon abandon au marathon de Paris et mon forfait sur les 40 bosses et la courses des 4 châteaux. Depuis plusieurs semaines, mon adducteur ne me gène plus du tout et j’ai pu réaliser quelques belles sorties en Normandie avec un peu de D+. Je n’espère pas faire beaucoup mieux qu’en juillet mais j’espère pouvoir faire au moins aussi bien, voire grappiller quelques minutes et accrocher une première moitié de tableau.

Je savais que ça serait dur car ça l’est toujours mais j’avoue que je ne m’attendais pas à vivre un tel calvaire. Il m’est souvent arrivé de m’aligner sur des courses mal préparé, mal entraîné ou sans réelle motivation mais là, même si j’ai quelques pistes, je ne m’explique toujours pas vraiment comment j’ai pu me louper à ce point.

C’est parti

Les conditions ce samedi matin sont parfaites. Le temps est magnifique, la température idéale et l’organisation impeccable. Seule réelle difficulté, le vent. Froid, il masque la chaleur de ce samedi très ensoleillé.

Je prends un départ prudent en essayant de me caler à 5’40 au km, mon allure marathon, et de ne pas forcer dans les premières côtes. Je me sens assez en forme, et à cette allure-là, je ne suis pas du tout essoufflé, presque facile. Par contre, j’ai choisi in extrémis de tenter la course avec mes chaussures de route que je n’utilise que pour les sorties longues. Elles sont toujours très confortables mais avec plus de 700 km au compteur, elles sont clairement en fin de vie. Mauvais choix que j’ai regretté presque immédiatement et pendant toute la première partie de la course, pratiquement à chaque foulée.

Parti sur la première ligne de la seconde vague, je me fais doubler par un flux sans fin de coureurs qui selon mon analyse d’expert, courent bien trop vite pour leur niveau. Au bout de quelques kilomètres, je commence à doubler les plus lents de la vague précédente et suis toujours facile.

Je marche d’un bon pas dans les montées et envoie dans les descentes. Le sol est sec et dur mais mes chaussures de routes sont des patins à glace et je manque de tomber à plusieurs reprises et surtout, j’ai l’impression d’être constamment en train de compenser le manque d’accroche et crains que ça m’épuise inutilement.

La plus grosse côte se situe au 8e km. Je l’avale sans difficulté mais quelque chose ne va pas. Une fatigue intense, absolument anormale à ce stade de la course (moins d’une heure) est en train de s’installer. C’est à ce moment là que l’expérience doit prendre le relais. C’est là que je suis censé temporiser, me rendre compte qu’il fait bien plus chaud que je ne le pense et que je ne bois presque pas. C’est également à ce moment là que je suis censé me rendre compte que je n’ai rien mangé depuis mon petit déjeuner et que je suis dans le rouge à tous les niveaux. Mais voila, le traumatisme du marathon est bien présent, je suis complétement obnubilé par mon adducteur et comme je ne sens aucune douleur à la cuisse, je me rends à peine compte que d’autres douleurs sont en train d’apparaitre à peu près partout ailleurs. Et quand tout commence à se déglinguer, il est probablement déjà trop tard.

J’ai mal au bide, aux jambes et une douleur intense que je ressens parfois sur les sorties trop cassantes sur le dessus du pied gauche. Je commence également à ressentir les premières crampes dans le mollet de l’autre jambe. C’est plié, je sais que la course est terminée pour moi. Je décide de me préserver au maximum et de finir en footing mais ça n’atténue pas la douleur au pied et les crampes commencent à affluer dans les orteils, et ça, croyez-moi, les crampes dans les orteils, c’est vraiment un truc tout pourri.

J’avale le seul gel que j’ai pris en sécurité en cas de fringale et ça n’a pas le moindre effet. Je me traîne comme une âme en peine jusqu’au ravitaillement du 20e kilomètre qui signe la fin de la partie trail et le début de la partie urbaine. J’y passe (et perd) plusieurs longues minutes à remplir mes gourdes et tenter de me re-sucrer mais en plus du mal aux jambes, je suis désormais victime d’une fracture du mental.  Je n’y crois plus et je n’ai plus envie. Et sans envie…

Je ne pense qu’à une seule chose, mon séjour à la montagne de la semaine prochaine pour lequel j’ai absolument besoin de mes pieds et de mes jambes en bon état. Depuis quelques semaines, je suis totalement focalisé sur ma nouvelle obsession, les PCD™. Finir 1600e ou 2000e de l’écotrail n’a donc qu’un intérêt très relatif et si pour ne pas être trop ridicule je dois me défoncer les jambes et renoncer à mes randos de la semaine prochaine, je serai inconsolable.

Que faire alors ? Marcher ? Vu mon état et mon envie très relative de me faire mal, ça va nous faire au mieux du 12 minutes du kilomètre, soit au moins 2 heures, ce qui reviendrait à faire pire qu’en 2012 où j’avais fini 58e en partant de la fin (sur 1236 finishers) dans un état de délabrement absolu.

Abandonner n’est pas une option. Les potes, la famille, les collègues, les amis, tu leurs dis « j’ai mis 4h17 » ou « 2h57 », pour eux, c’est pareil. Que je leur dise « j’suis content j’ai fini 1227e» ou « je suis un peu déçu je suis 2034e», ça fait à peu près le même effet. Ils disent « ouah, 30 km » et on peut passer à autre chose. Par contre, tu leurs dis « j’ai été obligé d’abandonner », tu les places de facto en position de désolation solidaire. Et comme les gens qui m’entourent sont remplis d’amour, d’empathie et de compassion, me remonter le moral devient pour eux une mission sacrée. Et moi de jurer que je ne suis pas déçu, d’assurer que ce n’est pas grave, que ma décision était raisonnable, que c’était la bonne décision… Je leur ai fait le coup une fois, une seule, pour 80 courses terminées. Plus jamais 🙂

Donc faut finir. En trottant, en courant, en marchant, en clopinant parfois, en s’aidant des rambardes dans les foutus escaliers qui jalonnent le parcours, mais faut finir. Sauf que là, ça fait déjà 5 bornes que je galère et il m’en reste 10. Et cette seconde partie est une interminable ligne droite qui semble plate mais qui est en fait un imperceptible faux plat montant qui n’offre aucun refuge pour échapper au vent de face quand il souffle, ce qui fut le cas tout du long. Ce fut donc long, ce fut chiant, ce fut douloureux et ça dura pendant près d’une heure 20. Frustrant, éreintant et très décevant.

Au final, je termine en 3h40 et pointe à la 2034e place (sur 2658) bien rincé et pas encore bien certain d’être capable de tirer des leçons de cette nouvelle contre-performance cuisante.

Épilogue

Après un dimanche passé à errer du lit au canapé comme un viel éclopé, je me lève lundi comme une fleur avec certes les cuisses un peu courbaturées mais avec une douleur désormais à peine perceptible sur le dessus du pied. Je suis en train de punaiser mon affiche de finisher quand mon pote/collègue rentre dans mon bureau.

– lui : Alors ta course ?
– Moi : Catastrophique !
– Lui : Mais t’as fini ?
– Moi : Mouais mais bon, 3h40, explosion en vol au 15e…
– Lui : Ouais mais bon, t’as fini. 30 bornes quoi. Personne pourrait faire ça ici…
– Moi (intérieurement) : CQFD. Mais bon, la prochaine fois, grosse feignasse, faudra essayer de te taper un peu dedans quand même 🙂