La classique normande qui fait mal aux pattes
Je m’aligne aujourd’hui pour la 7e fois sur la course du Run. Ma première participation remonte à 2009, la dernière date de 2018. C’est ma classique de l’été et je m’y inscris chaque fois que je peux. Le Run (prononcer rein) est un passage qui se découvre à marée basse et qui permet de rejoindre à pied la sublime île de Tatihou.
C’est une course courte (aux alentours de 8 km) mais difficile. Comme elle est courte, on est censé la courir vite mais le terrain ne le permet pas, du moins pas facilement. Ça colle, ça glisse, on s’enfonce et parfois même on est limite de s’y noyer 🙂
Ce fut encore le cas cette année où, avec de l’eau jusqu’à la taille, j’ai, comme souvent, hésité à finir à la nage.
Cette année, covid oblige, l’organisation a décidé de ne pas chronométrer ni classer les coureurs. Je n’ai pas trop bien compris le rapport mais au moins, elle a le mérite d’être maintenue et c’est avec un plaisir non dissimulé que je m’entasse avec presque mille autres coureurs et coureuses sur la plage de Saint Vaast.
Depuis le début de la crise du covid, les occasions de porter un dossard sont rares mais à chaque fois que ça a été le cas depuis mars 2020, j’ai amélioré ma marque personnelle sur ladite course. Mieux classé et plus rapide. Là ça va être un peu compliqué à évaluer d’autant que la course ne fait jamais vraiment la même distance d’une fois sur l’autre. En 2018, en me traînant comme une chaudière, j’avais mis 51 minutes. L’année d’avant, bien entraîné et en forme, j’avais terminé en 48’21. Je me fixe donc sur moins de 48 minutes et de finir en forme car je suis en pleine préparation marathon et que je ne peux pas me permettre de mettre une semaine à me remettre droit.
C’est parti
L’échauffement collectif à peine terminé, le départ est lancé sans que je m’en rende compte. Je n’ai pas eu le temps de me placer dans le peloton et je perds un peu de temps à ranger mon masque (que j’étais le seul ou presque à porter). Je déclenche le chrono mais je me retrouve assez vite coincé au milieu du gros du peloton. J’avais prévu de partir à mon allure 10 km (environ 4’50 au km) et de la tenir tout le long de la plage pour ne ralentir que dans les flaques. Impossible, je suis coincé en mode footing sans pouvoir avancer plus vite. Dès que la pression se desserre, j’accélère et je parviens péniblement en jouant un peu des coudes à remonter quelques dizaines de coureurs. Après avoir remonté et redescendu la plage, j’arrive enfin au Run où je parviens à courir presque tout le long jusqu’à ce que je me retrouve avec de l’eau jusqu’en haut des cuisses. Impossible de continuer à courir mais comme personne n’y parvient, je ne perds pas de places. J’arrive enfin sur l’île et comme chaque année, je suis cuit mais comme nous sommes tous dans le même état, je continue à doubler sans me faire doubler.
Le tour de l’île est vraiment compliqué. C’est magnifique mais regarder le paysage n’est guère une option. Le terrain est abominable. Il change tous les 100 mètres. On passe du gravier mouillé dans lequel on s’enfonce à des zones boueuses, puis des flaques, puis du sable mou, puis une longue monotrace où il est presqu’impossible de doubler mais qui permet de temporiser et de reprendre un peu son souffle en perdant des minutes à se trainer à la queue-leu-leu. On rentre alors dans le jardin, sur sol dur et plat et j’ai assez de forme pour relancer. Je double des grappes entières de coureurs et rattrape un à un tous ceux qui étaient dans la file indienne. Arrivé au ravito, je perds du temps à aller d’une table à l’autre, la première table ne proposant que des verres d’eau vides.
Je relance à nouveau, double une dizaine de coureurs et je regarde mon chrono pour la première fois. Je suis large pour les 48 minutes mais le vent souffle désormais pleine face et il reste le Run à franchir dans l’autre sens. L’eau à bien baissé depuis l’aller et ça passe tout seul.
J’ai un peu de mal à accélérer mais je vise un groupe de 5 coureurs costauds avec dans l’idée de me mettre à l’abri derrière eux. Je les rattrape facilement mais ils ont l’air d’être arrivés au bout de leur effort et ralentissent. Je les passe et me retrouve un peu seul sur la plage. Je monte un peu l’allure mais reste prudent, trop prudent sans doute car je me fais reprendre facilement par deux jeunes gars que je ne reverrai plus. Je perds deux nouvelles places en me trainant dans la cale mais je les récupère dès que j’arrive sur le plat et m’élance dans la longue allée qui mène à la capitainerie. Je monte encore l’allure mais j’hésite à faire ce dernier kilomètre à fond. Je l’ai sous la semelle mais je n’ai aucun coureur en visuel devant à reprendre et personne dans mon dos suffisamment près pour me rattraper. Je reste donc comme ça aux alentours de 12 km/h et n’accélère vraiment que pour reprendre un dernier coureur à deux mètres de la ligne, ce qui, vu qu’il n’y a pas de classement, n’avait absolument aucun intérêt (mais on ne se refait pas).
Je passe la ligne, frais comme un gardon et avec la banane en 46’28 soit près de 5 minutes de moins qu’en 2018 et 2 de moins qu’en 2017. Je n’ai pas réalisé la course du siècle mais je suis heureux comme un gosse car le ciel est bleu, parce que le soleil brille, qu’il est à nouveau possible de gambader en troupeau et que j’adore courir comme un bourrin à la poursuite d’une poignée de secondes. Et puis surtout, surtout, parce que je découvre qu’un nouveau glacier vient d’ouvrir à Saint Vaast et qu’il fait des glaces au lait bio à se damner. La vie est faite de plaisirs simples.
© crédit photo : Normandie course à pied (que je remercie) / Wikipédia (photo du fort – licence CC)